BÉATRICE QUONIAM en INTERVIEW !
Béatrice QUONIAM, pédagogue connue de presque tous les professeurs de piano, répond aux questions des « SONS DU PIANO »
Cet article est la transcription du TEXTE INTÉGRAL de l’interview. Je vous invite à regarder la vidéo ci-dessous !
Bonjour et bienvenue sur cette nouvelle vidéo ! Une vidéo un peu spéciale puisque c’est une interview et c’est la première interview du blog les sons du piano ! Alors, qui inaugure cette nouvelle série que j’intitulerais volontiers les « INTERVIEWS DU BLOG » ? Et bien, c’est BÉATRICE QUONIAM ! BÉATRICE QUONIAM, certains d’entre vous la connaissent. Elle est actuellement directrice d’un conservatoire de plus de 1000 élèves avec une équipe de quarante professeurs et je la remercie vraiment vivement puisqu’on est en pleine période de rentrée scolaire. Alors merci à BÉATRICE QUONIAM de s’être rendu disponible ! Je vous souhaite beaucoup de plaisir à regarder cette vidéo de presque une heure ! ________________________________________________________________________ Bonjour BÉATRICE QUONIAM ! Bonjour Catherine ! Beaucoup de ceux qui nous écoutent ont entendu votre nom… l’ont vu… Il vous connaissent sans vous connaître ! Pourquoi est-ce qu’ils vous connaissent ? Effectivement je pense que mon nom est connu par les Editions LEMOINE et une collection de 25 recueils qui a commencé en 1994. C’est déjà loin mais c’est proche à la fois parce que c’est un travail que j’avais tellement aimé faire et sur lequel je m’étais tellement investie que finalement, il est toujours proche même si j’ai arrêté d’enseigner depuis un bon nombre d’années quand même. Enfin, voilà j’ai toujours été très très passionnée par la pédagogie du piano, par l’ envie de transmettre par les élèves, par l’enseignement, tout cela ! Alors effectivement, donc il y a des volumes sur la technique pianistique et puis l’autre collection sur le répertoire. Personnellement, en tant que professeure de piano, je les ai utilisés : j’aime beaucoup la technique avec ses petits formats. Quelle a été votre intuition pour faire ces petits formats ? Alors oui c’est une bonne remarque. Cela me replonge des années en arrière. En fait, je vais un peu raconter l’histoire de ces recueils, de ces collections chez LEMOINE. J’ai eu, un jour de 1994 ou 1993, un coup de téléphone de Pierre LEMOINE qui avait passé beaucoup de temps aux Etats-Unis pour étudier un peu et chercher des outils et pour relancer les Editions LEMOINE qui datent depuis très longtemps. ( fondation de la maison en 1772 !) Et en fait il avait eu mon nom par Jacqueline POUILLARD. Jacqueline POUILLARD qui a créé la célèbre méthode de piano avec Charles HERVE et Jacqueline était une collègue à l’époque, quand j’étais au Conservatoire de Sucy-en-Brie. J’étais jeune professeure et je passais mon temps à chercher des répertoires. Je passais mon temps dans les boutiques, les magasins spécialisés à chercher des répertoires pour mes élèves. J’étais passionnée d’aller chercher d’autres choses parce que, c’est vrai qu’il n’y avait pas forcément beaucoup de choses. Enfin, il y avait des compilations style Classique Favoris ou autres mais rien qui m’intéressait vraiment. Je voyais bien que mes élèves avaient envie de choses nouvelles et donc Pierre LEMOINE me dit : « Jacqueline POUILLARD m’a parlé de vous. Apparemment vous passez votre temps à chercher des partitions et puis vous avez créé un concours de piano à Sucy-en-Brie en 92 avec Marie-Catherine GIROD et je suis tombé sur votre programme et c’est que des pièces que je ne connais pas ! Où est- ce que vous êtes allé chercher tout ça ? » Voilà, ça a commencé comme ça. Donc il m’a reçue. Je lui ai dit : « Et bien voilà, j’ai effectivement très envie de chercher des choses. C’est probablement dans ma nature de chercher des choses. » Donc j’avais moi-même fait une espèce de petit recueil pour mes élèves. Donc il m’a dit : » Je vous propose de faire un recueil, une compilation de morceaux. » Evidemment en 15 jours c’était fait parce que j’avais tellement tout le matériel ! 15 jours après, je vais je vais le revoir et il me dit : « Ah, vous avez déjà fini ? » Oui ! Ce n’était pas difficile puisque c’était déjà enclenché dans ma tête. Et donc c’est lui qui a trouvé le le nom du recueil « POCO FORTE ». Ainsi « POCO FORTE » est sorti et puis il s’est très bien vendu. Donc il m’a recontactée en disant : « Et bien écoutez, faites la suite, par niveaux. On va graduer. » MEZZO FORTE est arrivé. Après un peu plus de temps, parce que je travaillais un peu différemment. La collection est arrivée jusqu’à FORTISSIMO. Donc POCO FORTE, MEZZO FORTE, PIU FORTE, FORTISSIMO et PIANISSIMO est venu en dernier. Donc la maison LEMOINE était très contente de ces recueils. Cela marchait très bien et ça marche toujours très bien apparemment et donc il dit : « Si vous avez des idées… et là je lui dis « mais j’ai envie de décliner cette collection sur des études. » J’avais farfouillé dans des cahiers anglais et j’étais tombée sur des études d’éditions anglaises qui étaient vraiment très bien. Et je dis: » Mais on n’a pas cela en France ! » Il me dit : « Et bien allez-y ! » Donc j’ai fait les études PIANISSIMO… voilà. Et ensuite je lui dis « J’ai une idée » (je ne sais plus comment j’ai eu cette idée. Souvent j’ai des idées quand je joue au piano). Et je lui ai dit : » Mais on n’a pas d’exercices à part A DOZEN A DAY que j’utilisais beaucoup avec mes élèves. J’adorais, mes élèves adoraient ça. Je dis « mais j’aimerais bien aller au-delà de A DOZEN A DAY, faire des petits formats ». Voilà la réponse à votre question : ça vient de A DOZEN A DAY. Et il ne faut pas que ce soit trop long parce que déjà, pour les enfants, il y a quelques années, il fallait vite passer à autre chose : il faut que ce soit efficace, court mais on passe à autre chose. Ne pas rester trop longtemps. Donc l’idée, c’était qu’on ne reste pas trop longtemps sur un type d’exercice ou un type de problématique mais qu’on la retrouve quand même après, histoire de dire aux élèves « on ne va pas passer trop longtemps mais vous ne m’aurez pas : on va revenir après et on va y revenir différemment. Donc voilà ça vient un peu de cette idée-là, puis de répondre à de vraies questions sociétales : des enfants d’aujourd’hui avec qui il faut aller vite et bien. Regardez la vidéo de Béatrice QUONIAM en interview ICI ! Vous répondez à plein de choses, à plein de questions que je voulais vous poser, mais c’est très bien ! Voilà, ce sont des formats courts dans une période où on est plutôt en mode zapping, il faut passer très vite, il faut aller à l’essentiel et finalement, c’est vrai que ça change vraiment du tout au tout, avec les kilomètres de partitions de Czerny. Finalement, il fallait être bon en déchiffrage, il fallait passer beaucoup de temps au piano mais finalement peut-être que l’essentiel de la compétence qui devait être apprise n’était pas forcément bien appris. Voilà, l’essentiel était d’aller droit au but. C’est une temporalité qui était différente. Bien que j’aie beaucoup aimé Czerny moi-même mais en tout cas s’inspirer de Czerny et s’inspirer d’autres pratiques de développement techniques pianistique, c’est toujours intéressant. Il n’y a pas la vraie bonne méthode, cela n’existe pas. Par expérience je sais que la vérité n’existe pas mais en tout cas on peut trouver des chemins ou des propositions qui correspondent, à un moment donné, à certains élèves. Et aussi on sait que ça ne correspond pas non plus à tous les à tous les élèves. L’idée c’est de s’adapter. Et en tant que professeur, on évolue vraiment : il y a des choses qu’on utilisait au début et qu’on n’a plus envie d’utiliser. Donc, le nom de ces petits formats, moi je les adore parce que finalement vous nous donnez la main, vous nous donnez une petite réponse pour nous dire : » finalement professeur tu peux parler de ça, tu peux parler de ça… Par exemple, la littérature (jeunesse !) j’ai adoré le CLUB DES 5 ! Il y a aussi le nom de formes musicales ou alors de termes italiens ou alors de noms de compositeurs par exemple le nom d’Alberti … Oui, qu’est-ce que ça veut dire… Oui, il y a une résonance à chaque fois. Alors en fait c’est drôle que vous me parliez de cela, parce que, effectivement je ne me souvenais plus mais Jean-Louis Jolivet qui était à l’époque le directeur artistique des Editions LEMOINE reçoit les recueils et me dit « Ah c’est très très fourni, c’est très intéressant mais il faudrait des titres ». Et là, il y avait 50 exercices ! Donc 50 titres ! Et en fait c’est venu assez vite parce que je me souvenais pour chaque exercice de l’inspiration (du moment). En fait c’est décortiquer un petit bout d’une sonate de BEETHOVEN par exemple, et puis avec une basse d’Alberti, ou à partir d’une basse de MOZART ou des sonates de CLEMENTI. Et je me disais : oui ça s’est inspiré de CLEMENTI, donc allons-y « CLEMENTI ». Voilà et donc à chaque fois, c’est vrai que c’est une petite anecdote qui vient de l’idée que j’ai eue pour chaque exercice, de le rattacher soit un compositeur soit à une partition, soit soit un moment où j’avais eu l’idée. En tout cas, c’est systématiquement rattaché effectivement à quelque chose qui peut ouvrir. Et là, vous nous « tendez la perche » et cela nous permet d’en parler. Cela nous permet de faire un peu d’histoire de la musique, parler de ceux qui ont utilisé la basse d’Alberti ou le doigté de Thalberg. C’est assez intéressant. Donc tout cela permet d’approfondir avec l’élève. Donc, le « Répertoire du pianiste », vous nous avez dit, c’était pour changer des » Classiques favoris » et puis aussi, je trouve que c’est différent de la collection DE BACH A NOS JOURS. Alors oui, c’est différent. Je pense que dans la chronologie, on devait être à peu près parallèles puisque c’est Jacqueline POUILLARD et Charles HERVE qui ont travaillé sur « DE BACH A NOS JOURS » et je pense que j’ai dû commencer, soit en même temps ou un peu avant. Mais en fait, on a chacun trouvé notre créneau et on ne s’est pas « marché sur les pieds ». C’était aussi l’idée. Personnellement, j’avais très envie de mélanger un peu les répertoires. J’ai adoré aller farfouiller dans les musiques de l’Est car je trouve que pédagogiquement c’est génial ! Janina GARSCIA par exemple (1920-2004) Polonaise qui a écrit pour les pour les enfants. C’est superbe. J’avais vraiment envie de ça, je sais que ça marchait pédagogiquement, de nourrir les élèves de répertoire et d’époques différentes. Je suis partie de cette idée là. J’avais aussi envie de donner de belles musiques et de styles différents. En tout cas, la mélodie, avec les enfants, ça marche très bien et le système mélodique. Donc je me suis beaucoup appuyée là-dessus et (je voulais) partir sur des horizons différents. Cela ne me dérangeait pas de « sauter du coq à l’âne » dans un recueil parce qu’en fait, les enfants, c’est cela aussi. C’est un coup de cœur et en fait c’est peut-être des compilations de coups de cœur ! Regardez la vidéo de Béatrice QUONIAM en interview ICI ! La quintessence pour la pédagogie ! Comme je voulais vous le dire, ce sont de belles pièces russes (je l’ai noté) ! Elles sont plus connues aux U.S.A. On les voit souvent en vidéo sur le net, et c’est dans votre collection qu’on les retrouve. Avant de faire cette compilation, vous n’avez pas fait de sondage auprès de vos collègues ? On vous a appelée comme ça. Oui, je suis quelqu’un d’assez intuitif, j »avais une petite expérience tout de même, même si j’étais plus jeune qu’aujourd’hui. Cela s’est élaboré entre 1994 et 2006… Je pense que « LES LEÇONS DE PIANO » de Pascal NEMIROVSKI (en collaboration avec Béatrice QUONIAM) date de 2005 ou 2006 quelque chose comme ça. Donc cela veut dire que ça a été tout une réflexion, un parcours. Mon propre parcours de pédagogue quand j’étais vraiment en situation de pédagogue. Je dirige le conservatoire depuis 95 96.J’étais encore en relation avec la pédagogie mais après j’ai vraiment arrêté. Mais cela m’a toujours nourrie et me permet aujourd’hui, en tant que directrice de conservatoire, d’être proche de mes professeurs qu’ils soient pianistes ou autres instrumentistes. Mais en tout cas j’ai la chance, il me semble, de comprendre la recherche pédagogique. Et ce travail avec les Editions LEMOINE m’a vraiment beaucoup nourrie. On le sent bien ainsi. Là vous parlez des professeurs, je voulais vous poser la question… quand vous êtes arrivée ici à SAINT-PRIEST (près de LYON) est-ce que vos collègues ou les professeures de piano n’ont pas été impressionnés par l’auteure des livres qu’ils utilisent ? Je ne sais pas, il faudrait leur poser la question. En tout cas, j’ai deux collègues qui sont formidables ! Deux professeures, Anne GAILLARD et Juliette CIESLA qui font un travail remarquable avec les élèves et elles ont un complet et libre choix des partitions qu’elles utilisent en tout cas ça fonctionne bien. C’est vrai que depuis qu’on a créé le concours international de piano en 2017 ici à SAINT PRIEST, ça a donné un élan et des envies à nos élèves pianistes puisque la culture de ce conservatoire de 1000 élèves (c’est un gros paquebot, ce conservatoire!) c’est une culture d’orchestre, d’harmonie, orchestre symphonique, aussi de chœurs maintenant qui se développent de plus en plus et les classes de piano étaient un peu les parents pauvres. Donc j’ai assez vite analysé ça et je me suis dit « Et bien, on va s’occuper un peu des classes de piano et puis surtout qu’il y a des élèves chouettes et puis des familles qui sont engagées. Il y a un climat et une humeur très positive à SAINT PRIEST. Regardez la vidéo de Béatrice QUONIAM en interview ICI ! Les professeurs sont souvent en recherche de répertoire. Cela, c’est encore d’actualité. Sont-ils dans la capacité, encore actuellement, (sans se comparer à BACH ou à CHOPIN) de composer pour leurs élèves ? Est-ce qu’ils en ont l’envie, le temps ? Parce que ça ce serait pas mal… Alors, votre question est intéressante parce qu’en fait je pense que les nouvelles générations d’enseignants qui arrivent le font volontiers. Ici à SAINT PRIEST, ça se fait assez souvent : les professeurs composent. Certains professeurs ont vraiment des talents de compositeur je pense à Alexis CIESLA par exemple qui écrit pour les orchestres d’élèves ou qui adapte. On ne s’interdit pas aussi d’aller chercher ailleurs (quand on n’a pas les compétences ici) des arrangeurs ou des compositeurs qui ont une âme pédagogue pour adapter puisque c’est compliqué au niveau des pratiques collectives. J’espère que ça va effectivement se réinscrire dans l’identité, dans l’ADN des enseignants de pouvoir avoir cette possibilité-là, d’écrire parce que c’est vrai que dans les conservatoires, il y a quelques années, on était finalement des « recopieurs de passé » ou des « recopieurs de répertoire ». C’est en train d’évoluer. Et on serait plutôt sur un retour du XVIII ème siècle où, effectivement, on improvisait, on composait et on est revenu un peu là-dedans. Je sens que c’est quelque chose qui frétille vraiment et les nouvelles générations sont dans ce changement. Et là je pense qu’internet y est pour beaucoup parce qu’on le voit par exemple (je parle encore des U.S.A) mais beaucoup de professeurs composent : Ils osent composer ! Nous, nous ne le faisons pas assez ! Je pense que c’est notre culture occidentale qui fait qu’on est davantage sur l’intellect. Et puis il « faut que ce soit parfait ! » On est aussi quelque part dans une confusion quand on dit « composer ». Tout de suite, quand on parle de compositeurs, de composition, ça y est, on est au CNSM (Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris) en cursus diplômant, alors que composer, on le fait avec nos enfants des écoles. Nous composons, nous écrivons des chansons et il y a une confusion chez les musiciens professionnels sur ce qu’est une composition. Souvent, cela peut venir d’une improvisation : une petite idée et une deuxième. La composition, c’est l’invention et c’est essayer d’arranger ces deux idées finalement. Il faut que cet « arrangement » soit cohérent. La composition c’est l’organisation d’ inventions et c’est en ça que ça peut être aussi abordable. On n’a pas besoin d’être passé par une classe d’écriture. Je pense qu’il y a le poids de l’Histoire qui est derrière cela. Donc, vous qui nous écoutez, allez-y, composez pour vos élèves ! Vous n’avez pas besoin d’avoir fait le Conservatoire de Paris en contrepoint, en harmonie et en fugue ! – Exactement ! Donc, votre pédagogie… est-ce que c’est utile de travailler, d’après vous, les gammes, les arpèges, les tierces, les accords ? C’est un grand débat ! Il y a des Ecoles différentes : certains sont pour les gammes, le Déliateur, le Hanon et d’autres pour qui cela ne sert « strictement à rien : autant travailler la technique dans les morceaux et retirer un passage, le décliner en gammes et en arpèges. Il n’y a pas de vérité. Je pense qu’il faut être à l’aise avec son propre choix pédagogique, en tout cas quand on est enseignant. Est-ce que ça correspond à un type d’élèves ? Peut-être pas. Peut-être qu’il y a des élèves qui ont une certaine discipline, un peu scolaires qui ont besoin d’être nourris par des gammes, des arpèges et ça fonctionne avec ces élèves-là. Cela ne va pas fonctionner avec un autre type d’élèves qui, lui, va être dans une autre démarche d’aller découvrir, d’aller déchiffrer. Je pense que c’est vraiment de la responsabilité du pédagogue de s’adapter au type d’élèves. Mais, travailler la technique, c’est indispensable quand on veut maîtriser son instrument et quel que soit l’instrument. La technique, on ne peut pas y échapper. Donc, il ne faut pas se mentir et « vendre du vent » aux élèves. Les enfants nous rappellent vite à l’ordre quand on fait cela. Personnellement, j’ai été élevée aux gammes et aux arpèges. J’adorais cela et si vous parlez de cela à Marie-Catherine GIROD, elle déteste les gammes, elle déteste les arpèges ! Chacun sa façon de fonctionner ! Regardez la vidéo de Béatrice QUONIAM en interview ICI ! La musique d’ensemble, qu’est ce qu’elle peut apporter aux pianistes ? Aux apprentis pianistes ? Je ne parle pas de la musique à 4 mains ou deux piano mais, jouer par exemple avec un instrument à vent… Alors la musique d’ensemble, pour les pianistes est un grand sujet dans les conservatoires : il y a tellement de pianistes que c’est parfois difficile. Je pense que la musique d’ensemble, (je vais peut-être vous surprendre) mais je parlerais plutôt de pratiques collectives. Cela pourrait être aussi de s’inscrire à un atelier théâtre. En fait je pense que le rapport du pianiste à l’autre et parfois un peu plus complexe que pour un clarinettiste qui va tout de suite jouer très rapidement et très tôt avec un autre clarinettiste. Ou en musiques actuelles, on va tout de suite jouer en groupe. Le pianiste, lui, est un peu isolé parce que son clavier lui permet de tout jouer ou de tout faire. Donc, pour le pianiste, c’est déjà dans la démarche d’être ensemble, d’être avec d’autres. Donc je pense que ça peut être bien aussi d’aller faire un atelier percussions, des percussions corporelles, des percussions africaines ou autres, de faire du théâtre, du chant choral. Je pense que pour le pianiste c’est essentiel de faire du chant choral. Alors pourquoi ? Parce que souvent, le rapport du pianiste à l’autre est parfois faussé par le fait que la partition l’accapare. Il a du mal à lire et à entendre ce qui va se passer à côté. Souvent, les professeurs me disent : « Les pianistes ne sont jamais en rythme, c’est une catastrophe ! » Je pense que c’est vraiment lié au rapport à l’ instrument et au rapport physique à l’instrument. Donc habituer très tôt les pianistes à fonctionner avec d’autres musiciens, comédiens ou autres, à travailler avec d’autres personnes. Ne pas rester isolés parce que, parfois, on dit que les pianistes sont vite enfermés dans leur bulle (ce n’est pas faux) et qu’ils développent une espèce de « syndrome du pianiste isolé ». C’est vraiment important. Cela peut être effectivement « l’outil » piano 4 mains, le 2 pianos (mais il n’y pas toujours 2 pianos dans les salles) cela peut être un flûtiste, un violoniste… tout de suite les mettre en connexion avec quelqu’un d’autre. Je ne pense pas que le choix de l’autre soit capital mais c’est le fait d’être « en connexion avec »… qui oriente le pianiste en dehors et qui le sort un peu de sa problématique de partitions, de clavier, de regarder ses mains… Donc c’est important de le faire très tôt. D’aller jouer avec l’autre très tôt. La musique de chambre c’est superbe, c’est vrai, mais c’est bien si on peut tout de suite jouer avec d’autres instruments, c’est super pour la qualité de l’écoute, le sens critique. Le VIVRE ENSEMBLE, de nos jours, c’est vraiment important. Je pense que c’est ce qu’il faut apprendre aux pianistes très tôt : ne pas rester cloisonné car après c’est difficile quand on attend 5 ou 6 ans on qu’on se dit « Tiens, je vais faire de la musique de chambre ! » Et même le chant choral est très bien aussi pour cela, pour l’écoute polyphonique et pour développer son oreille à la polyphonie. On est surpris, parfois, que des pianistes, finalement, n’aient pas tellement d’oreille alors qu’ils ont l’harmonie devant eux. Mais le pianiste a un rapport très intellectuel avec la musique parce qu’ils ne fabrique pas le son. Le violoniste va fabriquer son son, va chercher la justesse, va chercher la qualité du son qu’il veut. Le pianiste, bien sûr, va chercher son SON mais le son est déjà là, la note est déjà là. Donc c’est un autre rapport. Regardez la vidéo de Béatrice QUONIAM en interview ICI ! Effectivement, le piano semble être un instrument facile il est un peu victime de son succès (cela, je l’ai déjà écrit dans des articles du blog). Fabriquer son SON, la méthode russe le fait ! Elle met vraiment en contact le travail de l’oreille avec la réponse sonore. J’essaye de parler de ça (dans le blog) C’est un peu comme ça que j’aimerais faire débuter mes élèves. C’est superbe. Cela ne peut que fonctionner si vous y allez comme ça, parce qu’on réveille l’oreille tout de suite. La qualité du son qu’est ce que c’est ? Et finalement quand on entend un pianiste, la première chose qu’on entend quand on va à un concert, c’est le SON, au début, c’est le son qui va porter. C’est la projection de ce SON et en cela, c’est vrai que les russes sont très forts ! J’ai découvert une méthode et je vais la citer c’est La méthode d’Irina GORIN qui est une pédagogue d’origine ukrainienne qui est depuis une bonne vingtaine d’années aux USA. Elle a une chaîne YouTube et vous pouvez tous regarder ses vidéos : c’est absolument magnifique ! On commence dès le départ avec la souplesse de poignet qui va permettre de donner un BEAU SON. Ce sera jamais percussif. Donc, moi je dirais que le son, au piano, se travaille ! Oui, bien sûr ! Je disais que la note est « faite ». Contrairement au violon. Evidemment, le SON, c’est un travail de SCULPTURE du son. Mais on peut commencer très vite à 4 ou 5 ans ! L’enfant entend très bien ! Et je trouve que le travail du pédagogue, du professeur qui est à côté, est vraiment bien plus intéressant ainsi. C’est un vrai travail. Là, il fait son job ! Donc on a parlé un peu des élèves actuellement qui sont dans une époque de zapping, l’époque où il faut aller très vite, où l’on peut « maigrir en 3 jours », où l’on peut « devenir riche en 3 mois », où l’on peut « apprendre le piano en 5 jours »… C’est du vrai… vu sur le net ! Une époque où l’on pense savoir faire plein de choses à la fois et puis notre concentration est mise à mal. Vous voyez une petite différence avec les élèves de maintenant et ceux « d’avant » ? Oui je pense que l’évolution des nouvelles technologies a transformé énormément le rapport de l’enseignant à l’élève. Le rapport de l’apprentissage avec des enfants… aujourd’hui c’est quoi « apprendre » ? Aujourd’hui ce qui est un vrai fléau, c’est le téléphone. Là, on est en train de mettre en place des chartes pour que les élèves ne viennent pas au conservatoire avec leur téléphone. D’ailleurs (je fais une petite parenthèse) on a une vraie carte à jouer, nous les conservatoires : c’est de permettre aux enfants, aux ados et aux adultes de se rassembler pour jouer ensemble. Maintenant on est quand même sur une période où chacun se recroqueville sur soi-même, sur son téléphone, sur son moyen de communication avec l’impression de communiquer (différemment, certes !) je veux pas non plus jouer les vieux combattant mais on communique effectivement différemment (et c’est très bien aussi de pouvoir communiquer avec son téléphone) mais on peut pas se couper de plein de choses et passer à côté (de la vraie vie…) Donc ce rapport au temps est différent Je pense qu’en tant que pédagogue, on se doit de donner des outils, d’utiliser des outils qui vont faire que les enfants apprennent, de donner le goût, de donner l’envie. Vous parliez du sont tout à l’heure… Ce n’est pas le téléphone, l’informatique, ce n’est pas le blog ni YouTube qui va vous donner la recherche du son. Alors après je ne lis pas l’avenir ! Nous dépasserons peut-être cela, nous ne chercherons peut-être plus le son, nous aurons déjà des claviers prêts… Je ne pense pas parce que pour entendre tellement de pianistes dans les concours internationaux aujourd’hui, je me dis que les générations se renouvellent tout le temps et qu’on a des pianistes fabuleux ! Regardez Alexandre KANTOROW ! C’est formidable ! C’est encourageant et pourtant ce sont des générations qui sont tombées dans les écrans, qui sont nées avec et ça n’empêche qu’il y a cette envie de découvrir la beauté. Je pense que la beauté, qu’elle soit du SON, qu’elle soit de l’image, qu’elle soit dans quelque domaine artistique que ce soit c’est toujours une valeur qui est là et qui sera toujours humainement très forte. Regardez la vidéo de Béatrice QUONIAM en interview ICI ! Actuellement on parle beaucoup de méditation et finalement, apprendre un instrument de musique c’est une rééducation à la « slow-life » on pourrait dire. On se reconnecte au temps lent. C’est quelque chose d’intéressant. Quand je me mets au piano le temps passe plus lentement, c’est comme de la méditation. Oui c’est sûr. Ce matin dans la très bonne émission de Jean-Baptiste URBAIN sur France musique, il parlait effectivement de ce temps-là, de la musicothérapie. On en parle beaucoup, on parle beaucoup de gens qui s’inscrivent dans les conservatoires justement pour leur propre thérapie, le développement personnel. On a beaucoup de parents d’élèves qui nous disent : « Nous inscrivons notre enfant au conservatoire parce que nous savons que la musique va l’épanouir, va l’aider à se concentrer, il va apprendre ce qu’est une discipline, apprendre ce qu’est la rigueur, ce qu’est « prendre conscience du temps ». On a l’impression, tout d’un coup, que le grand public découvre les valeurs de la musique. On en est convaincues depuis très longtemps sinon on ne seraient pas là à en parler. que La musique peut aider dans le développement d’aujourd’hui d’un être humain tout entier. Donc, c’est effectivement c Quand on voit l’engouement qu’il y a dans dans les conservatoires et les parents qui suivent aussi bien leurs enfants, ce n’est pas quelque chose d’anodin en tout cas. Est-ce que vous connaissez le Challenge des 40 pièces ? Non. Alors on en parle de plus en plus sur le net entre professeurs de piano. C’est un défi qui a été initié par Elissa MILNE, une professeure de piano australien. C’est aux antipodes ! Elle s’est dit que, elle a même vu, dans sa bibliothèque, un écrit du milieu du 19 ème siècle et dans cet écrit, il était dit que c’était « ahurissant que les élèves pianistes ne jouent que six à dix morceaux par année ! » (déjà à l’époque !) Et finalement (reconnaissant ses propres élèves dans la description), il fallait faire autre chose ! Et donc, pourquoi le challenge 40 pièces ? Parce que en Australie, il y à 40 semaines dans la saison de cours. Ici, en France, c’est plutôt 34 à 35. Personnellement, j’en fais 30. Et l’idée, c’est de jouer des morceaux de son niveau mais aussi de donner à chaque enfant, à chaque élève, une partition à aboutir en UNE SEMAINE. Cela lui permet de de lui faire côtoyer le plus souvent possible des nouveaux styles, des styles différents, de nouvelles partitions et, finalement améliorer le déchiffrage. Certains professeurs l’ont déjà mis en place en France et y voient déjà beaucoup de progrès. On y va, on essaye de la suivre. Ce ne sont pas forcément que des morceaux. Cela peut être justement des petites pièces qui sont de la technique pianistique donc moi je vais les utiliser comme cela, comme étant des petites pièces aboutir dans la semaine. Vous avez beaucoup de numéros dans votre direction. C’est très fourni. Je propose que cette collection (La technique du pianiste ou Les études) fasse partie du Challenge des 40 pièces. C’est intéressant et je pense que ça vaut effectivement le coup de le tenter. En tout cas, cela correspondrait aux attentes de nos élèves. Je pense que le fait qu’on passe beaucoup de temps sur certains morceaux qui sont toujours un peu plus difficiles les uns que les autres pour les élèves vient du sacro-saint cursus ou apprentissage par rapport à des examens. Combien de fois, on est rentrés dans les conservatoires en disant : « Que sera l’examen de fin d’année ? Qu’est ce qu’on va jouer à l’examen de fin d’année ? » Nous nous sommes heurtés des dizaines et des centaines de fois sur ces fichus examens. C’est bien l’évaluation mais il ne faut pas s’en arrêter là : c’est un outil. Et quand l’évaluation devient un objectif, on passe à côté. L’évaluation c’est un outil pour voir comment vont les choses, comment les orienter, les améliorer. Et nous nous sommes beaucoup enfermés dans ce système d’examens, surtout chez les pianistes voire les violonistes parce que ce sont des instruments qui sont exigeants, rigoureux, avec une discipline certaine et qui correspondait systématiquement à un aboutissement en terme d’examens. Quand on demandait à un pianiste de jouer, il nous disait : « Et bien, je vais vous jouer mon morceau d’examen ! » Et à part ton morceau d’examen, que sais-tu jouer ? Ah, et bien, rien d’autre ! Et, jouant pendant deux mois par exemple un morceau très difficile mais qui est normal pour son niveau, il se déconnecte du déchiffrage (lecture à vue). Je l’ai écrit dans un article : on peut avoir dix ans de piano et très bien jouer du piano, parfois, on est incapable de déchiffrer ! Oui c’est une réalité, ou d’improviser. Ou d’improviser, ce qui est encore un autre problème. Donc, on va rejoindre tout cela : l’initiation au déchiffrage, est-ce qu’elle se fait par exemple dans votre conservatoire ? Avez-vous un professeur de déchiffrage (lecture à vue) ? Dans certains conservatoires, oui. Ici, nous mettons en place des ateliers déchiffrage pour les deuxième et troisième années notamment depuis cette année avec le professeur d’accompagnement. Je pense que ça fait quand même partie du cours de piano à proprement parler et de la philosophie du professeur de piano qui intègre cela comme quelque chose d’essentiel dans son enseignement. Le fait de décloisonner les choses, un cours de chiffrage et cours de piano, je ne sais pas si c’est une bonne idée. Je n’ai pas la réponse, je m’interroge. Parce que cela voudrait dire qu’on décloisonne le cours de déchiffrage sur un sous-cours et il faudrait faire revenir les élèves. Je pense que cela doit faire partie, comme l’improvisation, d’une pédagogie tout entière. Cela demande au professeur de piano, de flûte ou de violon ou que sais-je encore, d’avoir un concept qui englobe tout cela. Alors après, la problématique, c’est le temps puisque on a peu de temps. Il faudrait organiser différemment les modalités d’enseignement, c’est peut-être aussi à réfléchir par rapport à cela. Les leçons sont courtes, c’est une demi-heure ? Oui, on peut regrouper des élèves c’est peut-être la solution. On appelle cela des cours individuels groupés, mais en même temps, on reste quand même sur l’identité de chaque élève mais on est en groupe donc on utilise le potentiel des autres. Il y a l’énergie du groupe qui est importante, on s’apprend les uns aux autres et puis le professeur ne va pas répéter 10 fois la même chose mais va se servir de l’énergie du groupe et des réponses, de la réactivité du groupe pour peut-être aussi aller ensuite dans certains domaines. Je crois beaucoup à la pédagogie de groupe et pas pour des raisons économiques puisqu’on n’ économise rien. Si c’est 30 minutes, cela fera une heure et demie et si c’est 20 minutes, cela fera une heure. Je crois vraiment aux vertus de la pédagogie de groupe. Donc, pédagogie de groupe pour l’initiation au déchiffrage et à l’improvisation. Donc le solfège, la formation musicale… « solfège » c’est un gros mot maintenant. On n’a plus le droit de l’utiliser ?! – La réforme date de 1977 ! On a besoin de réconcilier en tout cas les élèves avec la formation musicale, parfois ? Alors « réconcilier »… Est-ce que les élèves ont déjà été fâchés ? Je pense qu’il y a des générations de parents qui ont mal vécu certains enseignements et qui le disent aux enfants. Car les enfants, quand ils arrivent ici, ne peuvent pas dire « Je n’aime pas le solfège » puisqu’ils n’en ont jamais fait ! La réforme de solfège date de 1977, donc aujourd’hui, il s’agit de formation musicale globale, générale, avec des professeurs qui se sont formés, qui se sont questionnés qui se sont interrogés pour faire vivre cette formation musicale. En fait, ce sont des outils pédagogiques qu’il faut, bien pensés. Je pense que le cours de formation musicale peut être un vrai laboratoire d’expérimentations et en même temps un vrai laboratoire de façons de faire, d’échanges, de pratiques. Je crois que ce qui est important dans les conservatoires, c’est que les gens travaillent en équipe. Et on s’enrichit tellement, on se nourrit tellement quand on travaille en équipe que l’on peut expérimenter ce qu’a fait notre collègue, l’intégrer dans son cours, échanger et là on a une vraie richesse par rapport à ça. Le cours de formation musicale c’est quelque chose qui peut être passionnant qui EST passionnant ! Je pense qu’il faut aussi que certains adultes arrêtent de dénigrer le cours de formation musicale et de s’en servir comme d’un prétexte qu’il faille un peu travailler à la maison. On n’a rien sans mal. Il ne faut pas se mentir. Si on veut arriver à certains résultats quelle que soit la discipline, que ce soit du sport, du théâtre, de la musique ou que sais-je encore, des arts plastiques, il faut se donner un peu et mouiller un peu le maillot ! Voilà, on a chargé le solfège, on a chargé la formation musicale, on a chargé les profs… C’est vrai qu’il n’y a pas non plus de formation à proprement parler (en France) de formation musicale. C’est quand même l’enseignement le plus dispensé dans les écoles de musique et conservatoires en France. Nous avons bien un CFMI (Centre de Formation des Musiciens Intervenants) pour former les musiciens qui interviennent en milieu scolaire. L’idéal serait d’avoir un centre de formation pour former des enseignants en formation musicale. Or, souvent l’histoire fait que les enseignants de FM sont soit des professeurs de basson, d’alto, de harpe ou des disciplines qui sont moins remplies qui sont allés voir là bas. Non, maintenant les professeurs de formation musicale sont vraiment formés à cela. Ils se sont questionnés mais il y a encore un vrai chantier à ouvrir par rapport à cela, c’est vrai. Même si les choses évoluent bien positivement. Moi je devrais parler de pré-requis avec lesquels les enfants arrivaient à nos cours de piano, par exemple. Ils avaient chanté avec leurs parents, ils avaient une notion de pulsation, il savaient répéter un rythme, ils savaient chanter et souvent juste. Je vais faire un peu ancienne combattante mais on a l’impression que tout cela n’existe plus. On arrive à avoir des enfants qui n’ont jamais chanté, qui n’ont jamais entendu chanter à la maison et qui n’ont pas du tout de notion de pulsation. Cela est un peu embêtant. Est-ce que cette initiation ne pourrait pas se faire à l’école maternelle ? Alors effectivement il y a des Dumistes (Intervenants en Milieu Scolaire) mais est-ce qu’il ne faudrait pas généraliser encore plus (l’éveil musical) ? Que ce soit quasiment quelque chose d’obligatoire pour les instituteurs (les professeurs des écoles) et qu’ils soient formés à cela. Alors là, vous touchez plusieurs domaines, questionnements et notamment sociétaux puisque, aujourd’hui, les populations bougent beaucoup. La mixité sociale est là partout. Je pense que les familles idéales où l’on écoutait de la musique à la maison, il y en a encore beaucoup mais il n’y a pas que cela. Et donc aujourd’hui qu’est-ce qu’on propose ? Et pour reprendre votre question quels sont les pré-requis pour apprendre le piano, qu’est-ce qu’on fait ? Alors soit on est issu d’une famille avec un milieu socio-culturel favorable et qui va effectivement avoir déjà emmené les enfants aux concerts, les avoir sensibilisés, etc, auquel cas, le gamin n’aura pas besoin d’être passé dans quelque cours que ce soit : il entre et on sait que ça va marcher, avec un profil un peu scolaire et sa roule tout de suite. Ce n’est pas le cas aujourd’hui. Alors à SAINT PRIEST, dans l’est lyonnais on a effectivement une population qui est curieuse de tout, et ça c’est un autre atout, mais qui n’a peut-être pas la possibilité ou la chance d’avoir un milieu socioculturel favorable. Donc comment on fait, nous les professionnels, pour aller effectivement porter ça et faire que les enfants puissent développer leur oreille ? Forcément, je vais vous parler de SAINT- PRIEST parce qu’il y a un énorme travail qui a été réalisé depuis plus de trente ans au sein des groupes scolaires en maternelle, en primaire. Cela veut dire qu’il y a une politique culturelle locale qui est favorable à l’épanouissement des enfants, qui est favorable à leur mise en pratique musicale, parce qu’elle a tablé sur la musique pour donner des atouts de développement personnel. Je pense que l’on peut aussi apprendre le piano sans forcément avoir des pré-requis. C’est aussi au professeur de piano à déclencher cela, mais ce n’est pas facile, j’en conviens. Je ne le sais que trop. Je pense qu’il y a une adaptation à faire. Je viens de région parisienne et avant, du nord de la France. On ne peut pas plaquer un schéma en pensant que cela va marcher comme ça partout. Ce n’est pas vrai. Je crois que rien ne marche de façon plaquée à tel ou tel endroit. Ce qui va être vrai à Neuilly-sur-Seine ou à Sainte-Foy-lès-Lyon ne sera pas la même chose à Saint-Priest. Je pense que le milieu social et culturel va générer des interrogations pédagogiques et on peut alors, à ce moment-là, trouver des solutions par rapport à l’environnement dans lequel on se trouve. Et le professeur de piano qui attend idéalement les enfants soient formés, qu’ils sachent lire… Aujourd’hui, ils sera forcément déçu. Par contre, on a peut-être des enfants qui sont plus curieux, plus créatifs, plus inventifs, plus improvisateurs, donc vous voyez, les profils ne sont pas toujours les mêmes. Pour avoir, dans ma carrière, vécu tous types de profils, pour avoir enseigné dans la banlieue de Versailles, évidemment le petit gamin qui vient de Versailles ou sa banlieue, et bien, ce n’est pas le même gamin qui vient de Saint-Priest. Je pense que la vraie chance du pédagogue et la vraie carte à jouer du pédagogue c’est de s’adapter à cela et d’être performant avec cela. C’est en cela que c’est passionnant. Oui c’est passionnant bien sûr, etc’est passionnant de bouger aussi, de changer de région. Alors je voulais vous demander… votre rôle de professeure, comment vous voyiez votre rôle de professeur mais vous ne l’êtes plus depuis un petit moment. On va revenir au rôle du professeur : comment vous le voyiez quand vous avez écrit vos pièces, votre collection ? Je vois ce que vous voulez dire, je me replonge quelques années en arrière. J’ai enseigné pendant dix ans avec beaucoup de passion, beaucoup d’envies, beaucoup d’engagement, avec des élèves qui ont vraiment eu des résultats superbes, très intéressés et passionnés et qui sont devenus professionnels eux-mêmes après. J’ai vraiment été dans l’accompagnement, dans une espèce de coaching en essayant de faire sortir le meilleur de ce que vous pouvait sortir chaque élève. C’était vraiment une conviction. Je crois que c’est la difficulté d’ailleurs de trouver la frontière entre « je dirige trop l’élève en question » ou « je lui laisse la marge de s’exprimer » et c’est toujours le rôle d’équilibriste (comme aujourd’hui dans la direction d’un conservatoire) mais en tout cas de toujours trouver le bon équilibre entre « je le pousse mais je le laisse aussi s’envoler » et je pense que le pédagogue qui peut réussir quelque chose (alors évidemment le mot bateau, c’est « rendre autonome son élève », cette formule tout le monde l’utilise maintenant tout le temps) mais c’est en tout cas de lui donner la chance de pouvoir s’exprimer et de faire ressortir ce qu’il a en lui. Des élèves qui ont peu de talent, ce n’est pas grave. On peut faire ressortir ce qu’il a et ce qui va lui permettre de s’exprimer. Donc le piano comme moyen d’expression, j’en suis complètement convaincue. Il y a des enfants qui se dévoilent par rapport à cela. Celui qui a plus de talent, c’est peut-être le pousser, lui montrer qu’il peut faire quelque chose d’intéressant. En tout cas l’idée, c’est de faire sortir quelque chose de positif en tout cas qui peut révéler quelque chose, même si ça ne va pas éclater… mais ce n’est pas grave. Le tout c’est de révéler quelque chose et puis de lui donner envie de se dépasser parce que finalement, un instrument de musique c’est un peu un côté sportif. Je suis sportive aussi donc j’ai beaucoup fait souvent la relation avec cela. On est dans le domaine du challenge et c’est arriver à dépasser ce challenge tout en se faisant plaisir. Quand on arrive à vaincre quelques difficultés, on s’approprie les choses. Et puis le piano, il y a un tel répertoire que c’est juste génial de pouvoir naviguer dans tout ce répertoire pianistique. Il faudrait cinq vies pour tout jouer. Si on peut au moins déclencher cela. Donner l’envie d’aller écouter l’andante du quatuor avec piano de SCHUMANN ou bien d’aller écouter le mouvement lent du concerto en Sol de RAVEL ou d’aller écouter une ballade de CHOPIN … si on arrive à déclencher cela, je trouve que c’est gagné. Même si les enfants n’ont pas forcément beaucoup de possibilités pour x raisons, parce que le contexte familial n’est pas là, parce qu’ils sont limités techniquement … Mais en tout cas, donner l’envie d’écouter de la musique, de se nourrir de musique… On l’a vu à Saint-Priest, avec le concours international de piano : 2400 personnes qui écoutent pendant quatre jours de la musique classique, c’est juste impressionnant est incroyable ! Cela veut dire que les enfants, le public sont réceptifs à ce qui est beau et à la qualité des choses qu’on leur propose. Et je pense que dès l’instant où (même si l’on fait un petit cours d’un petit niveau en première année) si on le fait bien, si on fait avec de la beauté, si on fait écouter de la belle musique, si on est capable de le faire, et bien, c’est ÉNORME ! Aujourd’hui encore plus qu’avant ! C’est une quête de beauté ! Oui c’est au moins « allez découvrir, il y a des choses fantastiques, des choses merveilleuses et allez les chercher et moi je peux vous aider à les chercher et à les trouver ! » Et après, ils peuvent vraiment avoir des émotions qu’ils ne soupçonnaient pas. A un concert, par exemple. Donc là, vous mentionnez le concours et c’est là-dessus que je voulais terminer : vous êtes une une « inventrice » de concours, une fondatrice de concours ! Vous en avez fait trois, non ? Même peut-être plus ! A ma connaissance, c’étaient trois ! Cela fait 25 ans que j’organise des concours quasiment tous les ans ! J’ai commencé en 1992 (on en a parlé tout à l’heure) à Sucy-en-Brie où pendant 14 ans, j’ai organisé, avec Marie Catherine GIROD, le concours national de piano de Sucy puis je suis partie à Lagny-sur-Marne dans l’est parisien et puis j’avais toujours cette envie de proposer des cours pour les jeunes pianistes parce qu’il y avait une demande, parce que je sentais que c’était quelque chose qui m’ habitait, me nourrissait et puis parce que mes collègues professeurs de piano me le demandaient. Donc pour plein de raisons ! Donc c’était un concours pour les jeunes ? Oui au départ j’avais reconduit ce que j’avais fait à Sucy-en-Brie donc c’était pour les petits niveaux à l’époque : débutant 1, débutant 2… après, c’est passé 1er Cycle… et on s’est bien adaptés. Et Pascal NEMIROVSKI avec qui je suis amie depuis 25 ans, je suis allée lui dire » Pascal, si tu veux, je refais un concours à Lagny, est-ce que cela t’intéresse de revenir dans l’aventure ? » Il m’a dit : « Oui, bien sûr avec plaisir » et donc Pascal m’a accompagnée et trois, quatre années plus tard, dans les années 2009, on avait de tels niveaux dans ce concours, des gens qui venaient de partout… Je lui dis : » Mais c’est ridicule de continuer à faire un concours comme ça avec un tel niveau qu’on n’est même plus calibrés pour ça ! Et Pascal me dit « là il faut vraiment qu’on passe à la marche au-dessus : Il faut que nous fassions un concours international ». Donc voilà on l’a fait à Lagny-sur-Marne, appuyés par le maire de l’époque, Patrice PAGNY et son adjoint de Françoise COPELAND qui ont été vraiment des gens très porteurs, vraiment formidables et ils ont suivi cela, impulsé, c’était vraiment une belle aventure humaine de construire cela à Lagny. Cela a duré dix ans avec de beaux résultats, des gens formidables qu’on a entendus, je pense à Evelyne BEREZOVSKY, Daniel LEBHARDT, Alexander ULLMANN, des gens qui font carrière maintenant Mario MORA SAIZ, vraiment des gens superbes, on a eu Lise de la SALLE aussi quand elle était petite, vraiment des gens qui font maintenant une carrière et qu’on écoute partout ! Je suis allée à la Roque d’ Anthéron cet été et je retrouve des pianistes que j’ai entendus quand ils avaient neuf ans. C’est très touchant ! Et donc quand j’ai postulé à Saint-Priest (parce que familialement, on avait envie de quitter la région parisienne), le poste s’est proposé ici, j’ai postulé et j’ai donc été recrutée et le maire de Saint-Priest me dit : » Mais vous avez dans vos bagages, ce concept de concours, ça m’intéresserait. Est-ce qu’on pourrait mettre cela en place à Saint-Priest ? Je lui demande de me laisser une année et de relancer les réseaux et on le fait. Et là j’ai appelé mes deux amis et collègues, Pascal NEMIROWSKI et Isaure EQUILBEY avec qui on a créé le concours international de Saint Priest mais, alors là, qui a pris une dimension avec des moyens bien plus importants que ceux de Seine et Marne puisqu’on est dans un budget de 80 000 euros. (2019) Donc cela nous a permis d’avoir un streaming de super qualité ! On peut suivre en direct le concours, c’est magnifique ! Oui on a une équipe de streaming de Marc Pasteau (KALIson) qui enregistre pour Medici. Ce sont eux qui font le streaming de Van Cliburn et de Moscou (Concours Tchaïkovsky) Ils ne sont pas loin, ils sont à Annecy, on les connaît. Donc ça a commencé comme ça avec un streaming de qualité avec un sponsor qui est YAMAHA avec LoÏc Lafontaine qui met à disposition 6 pianos pendant toute la durée du concours, Pascal NEMIROVSKI qui maintenant est au Royal Birmingham Conservatoire qui a des réseaux dans le monde entier et forcément en parle et grâce à lui, des candidats de très haut niveau viennent. Donc dès la première année le niveau était très fort : on avait des finalistes de Leeds, des candidats qui font de grands concours. Ça a été vraiment formidable ! Étonnant ! Improbable ! Imprévu ! Il a fallu être réactif par rapport à cela. Les 2400 personnes dont je vous parlais, il avait fallu les accueillir ! C’est parti vraiment très fort, on a été suivis aussi par plein de sponsors. Monsieur le Maire qui était enthousiaste de cet événement qui est pour lui un vrai vecteur de communication. C’est-à-dire qu’à Saint Priest, en gros effectivement c’est les Huiles BERLIET, c’est RENAULT Trucks mais on peut faire aussi de la musique classique et on peut l’écouter et c’est possible ! Donc c’est un challenge aussi social. Et ce concours, il se passe dans le château, où se passe-t-il ? Au théâtre Théo ARGENCE tout à côté, en face du château de Saint Priest et 670 places quelque chose comme ça. Alors le théâtre est en travaux parce qu’on avait décidé de faire le concours tous les deux ans donc 2017, 2019 ce ne sera pas possible en 2021 car le théâtre ne sera pas terminé, donc ce sera pour avril 2022 dans un théâtre flambant neuf avec vraiment toutes les conditions d’accueil des professionnels, des jurys qui viennent aussi de partout. La population répond présente à cet événement donc la ville s’est approprié l’événement. Et cela, c’était inattendu vraiment parce que moi je ne savais pas trop si c’était possible de développer autant qu’en région parisienne et finalement on le développe beaucoup plus qu’en région parisienne car en région parisienne, il y a tellement d’offres, des possibilités partout ! Et ici c’est vraiment un événement incroyable et qui a fait beaucoup de bien au conservatoire en fait parce qu’on parle beaucoup plus du conservatoire de Saint-Priest par rapport à cet événement-là. Donc tant mieux, ce sont des conséquences collatérales heureuses et dont profite l’ensemble du conservatoire par cet événement de haut vol de la musique classique. Donc c’est un concours où se présentent plutôt les gens qui ont « de la bouteille », les »grands élèves » ? Vers 16 ou 17 ans ? Alors là l’âge limite basse, c’est 18 ans. La moyenne d’âge, c’est plutôt 24, 25 ans. Le premier lauréat, Arsenii MUN, pianiste russe avait 18 ans quand il a gagné. Cela fait deux ans : il en a vingt. Il commence à faire une carrière. Il est rentré là, à la Juilliard School (New York) et il commence à jouer dans plein d’endroits. La dernière édition, en avril 2019, 75 candidats avaient postulé et on en a sélectionné 25. Donc les 75, le niveau était déjà très fort et les 25 sont vraiment les meilleurs. D’ailleurs dans les 25, il y en a deux qui ont été sélectionnés au concours Tchaïkovsky. Ils ont joué le même jour qu’Alexandre KANTOROW. C’est de ce niveau-là. Pour revenir à la pédagogie est-ce que faire passer des concours à ses élèves jeunes, c’est motivant ? Ça leur apporte quelque chose ? Qu’en est-il ? Et puis les professeurs est-ce que cela les motive ? Est-ce qu’ils sont intéressés par cela ? Alors je crois que c’est la même question ou la même réponse que pour les gammes et les arpèges ! Il y a deux Ecoles ! Il y a effectivement les personnes qui pensent que ça sert strictement à rien et que faire de la compétition avec de la musique, c’est ridicule.Et ils ont raison, on ne peut pas leur donner tort ! Et il y a aussi d’autres personnes qui pensent que c’est un vrai challenge : c’est se mesurer à des conditions professionnelles, c’est profiter d’excellentes conditions avec des supers pianos, être entendu par des jurys qui sont soit des agents artistiques soit des chefs d’orchestres ou autres. Cela peut être effectivement un tremplin à une carrière. Nous organisons ce concours car nous avons envie d’aider les jeunes. Nous voulons faire profiter au delà de la compétition elle-même. C’est un événement, un outil d’éducation artistique et culturel de notre public de Saint-Priest et des environs. En fait, je m’inscris davantage sur cette optique là, pour faire découvrir la musique classique. Si nous, les conservatoires, nous ne faisons pas découvrir la musique classique, qui le fera ? Quels sont les publics de demain ? Quand on voit les concerts classiques, que ce soit à Paris ou même à la Roque d’Anthéron où j’étais cet été, on ne peut pas dire que le public soit franchement jeune ! Donc si nous ne travaillons pas au rajeunissement des publics ou en tout cas au fait de laisser ouvert la possibilité d’écouter de musique classique en étant enfant ou autre, si nous passons à côté de cela, c’est dommage ! Donc si nous avons la possibilité de le faire, faisons-le ! Et personnellement, j’adore tellement le répertoire de piano, que je me régale pendant les 4, 5 jours et que j’en profite aussi ! Et puis ces jeunes talents m’éblouissent ! Les jurys qui viennent regardent les choses d’un angle de vue : voir si untel, unetelle, est-ce qu’il peut faire une carrière. Je pense qu’il y a vraiment de nombreuses façons de voir les choses. On peut être complètement opposé à ce type de compétition et se dire « c’est ridicule » et je le comprends, je respecte complètement . Nous le faisons par conviction pour les raisons que je viens d’expliquer. On n’est pas là pour plaire. Et pour les jeunes, cela les motive. Je pense que cela leur permet de se dépasser eux-mêmes. Ce n’est pas dépasser les autres mais c’est se dépasser. On va chercher l’excellence une fois dans l’année ou une fois tous les 5 ans. C’est une bonne éducation aussi d’essayer de se dépasser. – Oui bien sûr ! La musique c’est le plaisir (d’apprendre, de progresser, de construire du beau) et puis aussi un petit challenge pour soi-même. Nous avons terminé cette interview ! En tout cas, MERCI bien, Béatrice QUONIAM, pour tout ce que vous avez pu nous livrer ! Chers internautes, j’espère que vous aurez été passionnés par cette interview ! A bientôt pour, peut-être, une autre interview ! C’était BÉATRICE QUONIAM, pédagogue, interviewée par le blog LES SONS DU PIANO, Le 13/09/19 |