Célébrons les 150 ans du Hanon !
Dans l’univers de la pratique et de l’enseignement du piano de nombreuses méthodes et de volumes d’exercices ont été écrits.
Parmi ces volumes d’exercices, la partition intitulée « Le Pianiste Virtuose » de Charles-Louis Hanon, occupe une place particulière depuis sa première édition en France en 1873. Je le dis d’emblée, ce n’est pas une méthode de piano pour débutants.
Depuis quelques années, ce volume de 60 exercices est au centre d’une controverse. Les opinions divergent sur son efficacité et sur son rôle dans le développement de la technique des apprentis pianistes.
Cette année 2023, je célèbre, dans mon blog et ma chaîne Les Sons du Piano, les 150 ans de présence du Hanon sur les pupitres des pianos. 🎂
Le Pianiste Virtuose, un aperçu
La partition « Le Pianiste Virtuose » est une série de 60 exercices destinés à délier les doigts et à développer l’endurance du pianiste. Elle a été conçue pour aider les pianistes à développer leur agilité, leur dextérité et leur précision sur le clavier.
Les gammes et les arpèges trouvent leur place au milieu du volume et sur 18 pages, dans la version complète.
Les exercices se concentrent principalement sur des motifs répétitifs avec la main qui se déplace. Les numéros semblent se ressembler mais la subtilité est là : Le Hanon développe la motricité et aussi la discrimination visuelle sur quelques mesures.
Toutefois, il suffit de comprendre le premier motif en montée, la transition montée-descente, le motif de descente et la dernière mesure pour terminer puisque les exercices ne se terminent pas de la même façon.
Hanon, débat sur son utilité 🤔
Depuis quelques année, et plus particulièrement en France, « Le Pianiste Virtuose » suscite un débat passionné parmi certains pianistes.
D’un côté, ce volume est apprécié par ceux qui arrivent à progresser en l’utilisant. Ils progressent en précision, en égalité de doigts, en connaissant mieux la distance des intervalles les plus courants…
De l’autre, certains trouvent que les exercices mettent trop l’accent sur la répétition mécanique des formules au détriment des nuances et de la musicalité. Il remarquent à juste titre que la souplesse du poignet n’est absolument pas mentionnée. Il n’est mentionné qu’à partir du n°48.
Ses détracteurs lui reprochent également une uniformité de jeu, contraire à la réalité des compositions pour piano.
Une approche nuancée
Plutôt que de prendre position de manière tranchée, considérons plutôt « Le Pianiste Virtuose » comme une ressource parmi d’autres dans l’apprentissage du piano. Et, contrairement à ce que beaucoup pensent, ce n’est pas une méthode de piano .
Le Hanon sera à utiliser parallèlement à d’autres études et à d’autres exercices de pose de main, en parallèle à une méthode de piano si l’on est dans les 2 premières années.
L’efficacité de ces exercices dépend aussi en grande partie de la manière dont ils sont enseignés et faits. En parlant d’enseignement, il sera indispensable d’évoquer la détente dans la posture avec les doigts bien installé dans le clavier.
Le travail en rythmes permet pour beaucoup d’apprendre à lire ces rythmes de façon simple et à les jouer concrètement. Leur rôle est d’acquérir de la vitesse par petites poussées d’énergie, en petits à-coups. Une technique très efficace pour rendre les doigts vifs et plus rapides.
Nul n’est prophète en son pays
On entend dire que le Hanon n’est travaillé qu’en France et qu’il a été, ailleurs, jeté aux orties.
Ce n’est pas juste de dire cela : il est utilisé en Russie, en Chine, en Allemagne, aux Etats-Unis… pour ne parler que de ces pays.
De nombreuses éditions existent dans plus de dix langues différentes. Il a été également décliné pour d’autres instruments : guitare, accordéon, harpe, trompette… Tous les instrumentistes ont besoin de faire travailler leurs doigts dans la rapidité. C’est parce qu’il est utile que tout le monde le travaille.
Et c’est en France qu’il est le plus dénigré mais on le sait : nul n’est prophète en son pays.
Hanon, en édition simplifiée
Une édition « facile » de 40 numéros avait été imaginée par Armand Ferté, professeur au conservatoire de Paris de 1927 à 1951. Ce volume simplifié est encore en vente et s’intitule « Le jeune pianiste virtuose ». Plus lisible, je le recommande aux autodidactes
Hanon, de retour du nouveau monde
Les plus jeunes (entre 20 et 30 ans) n’ont, pour la plupart, pas connu le Hanon puisqu’ils n’ont jamais travaillé leur technique au piano. Cela se voit dans les positions comme l’écroulement de la MG sur la photo ci-dessous.
Parmi eux, certains ont une chaîne YouTube. Ils s’extasient sur « les 5 exercices les plus utiles » au piano, les 5 tips ultra géniaux, les 5 exos secrets… sans savoir qu’il n’y a rien d’autre que du Hanon là-dedans.
D’autres sont très drôles et, à mes yeux, ridicules quand ils prononcent Hanon à l’anglaise… « Hanone » dans une phrase en français. A leur décharge, ils n’en n’ont entendu parler que sur les chaînes américaines !
Hanon, la controverse demeure
Entre allergie au Hanon et possible plaisir de travailler ses exercices comme des mantras, le spectre est large.
Considérons ce volume comme un outil parmi d’autres pour perfectionner sa technique au piano. Il s’agit de l’intégrer dans un programme varié avec des études et des pièces sur lesquelles le son et l’expressivité seront travaillés. Tout est question d’équilibre.
Le Pianiste Virtuose ne fait devenir virtuose que celui qui l’aura abordé avec de bons prérequis techniques. Bien sûr, ce titre aguicheur n’est que du marketing, comme toutes les médailles imprimées sur la première de couverture des premières éditions. Prendre ce titre au pied de la lettre, c’est ignorer que la publicité existait déjà bien avant 1873 !
Pour ma part, je ne pense pas que le Hanon écervelle les apprentis pianistes ni qu’il les rende bêtes à manger du foin.
Inutile de vouloir convaincre. Choisissons ce qui semble le mieux nous convenir et travaillons ce genre d’exercices avec parcimonie et en toute conscience. C’est-à-dire sans lire son journal posé sur le piano mais en écoutant le rendu sonore et en guettant les premiers signes de tension.
Comment rendre le Hanon plus attrayant ? 😉
Vous avez pu voir dans cet article les différentes versions de couvertures, à chaque parution d’une nouvelle édition. ; )
Je ne sais qui a commis la dernière édition (seule édition authentique) avec les couleurs « vert salle de bains » et « rose poupée à longues jambes »… c’est à mon avis, la pire au niveau graphisme et choix de couleurs.
En cet été 2023 où le rose fuchsia connaît un retour en grâce avec la poupée aux longues jambes portant le diminutif de Barbara, je me suis dit que la nouvelle typographie ci-dessous pourrait en séduire plus d’un.e ! 😉
4 thoughts on “Célébrons les 150 ans du Hanon !”
Merci Catherine pour cet article. Si la souplesse du poignet n’est pas évoquée au début du Hanon .. rien ne nous empêche d’en faire l’expérience ne serait ce que dans le 1er. De ma fenêtre je note que lorsqu’il est déverrouillé… (Le poignet) Le corps se remet à respirer et les doigts peuvent adhérer ! Bonne journée. Julye
Tout à fait, Julye ! il ne s’agit pas d’appliquer les consigne à la lettre. La technique pianistique a changé et la mécanique des pianos est bien plus lourde maintenant.
Ces exercices sont écrits pour être pratiqués à 2 mains, mais dans ce cas on travaille à la vitesse de la main la plus lente. C’est pourquoi il ne faut pas abandonner la pratique mains séparées. D’autre part, il me paraît important de transposer les exercices afin de travailler sur les touches noires. Peut-être même que la tonalité de Do majeur, celle des exercices, n’est pas la meilleure pour débuter. Il vaudrait peut-être mieux commencer en Si majeur, tonalité la plus ergonomique, comme le conseillait Chopin.
Merci pour votre commentaire. Effectivement, les deux mains doivent, au final, jouer ensemble. On a toujours une main « leader » qu’il faudra calmer, au départ.
Pour ce qui est de la transposition, je pense qu’il n’est pas nécessaire de les faire dans toutes les tonalités et que ce jeu transposé est un peu anecdotique. Ok pour changer la position de temps en temps mais ne perdons pas notre temps.
Quant au côté ergonomique que décrivait Chopin, il le réservait aux gammes. Et oui, alors, la gamme de Si Majeur est la plus ergonomique. Chopin s’extasiait sur la pertinence de la construction du clavier « avec ses touches noires pour les doigts longs et les blanches pour le pouce ».