Piano et improvisation avec J-F. ZYGEL, atelier et concert pour commencer l’année !

Piano et improvisation avec J-F. ZYGEL, atelier et concert pour commencer l’année !

Improvisation avec piano, duos en bas des pistes!

Rencontre avec J.F. Zygel
JF.Zygel, un musicien inspirant pour les enseignants ! Ici, avec la rédactrice du blog Les Sons Du Piano : moi !  🙂

Voilà des années que je n’étais pas montée à La Clusaz : en effet je ne suis pas vraiment fan de glisse bien que née tout près de cette magnifique station des Aravis qui se niche dans les Alpes du Nord en Haute-Savoie !

Oui, je sais, on peut y monter aussi l’été !  Pour me rattraper et remonter dans l’estime des sportifs haut-savoyards, j’avoue que j’ai tout de même fait pas mal de patinage quand j’étais plus jeune ! Ouf ! l’honneur est presque sauf !  🙂

village dans la nuit

Alors motivée par quoi pour me rendre à la Clusaz ?

Et bien, par un superbe et rare événement : un atelier d’improvisation avec J.F.ZYGEL suivi d’un concert proposé par Le festival de Beauregard. Celui-ci entame sa troisième saison et deux jeunes gens en sont à l’origine : Barthélémy ALLARD et Guillaume VINCENT pianiste. Voilà pour les présentations.

Voyez ici la prochaine programmation !

Jean-François ZYGEL piano improvisationCompte-rendu de ce bel après-midi de piano

Tout se passait à l’église, au centre du village. Les techniciens preneurs de son s’affairaient autour du piano avec J.F. ZYGEL,  pour la » balance » en vue de doser les niveaux de l’enregistrement du concert du soir.

Peu à peu, l’église se transformait en auditorium de conservatoire pour deux heures d’atelier d’improvisation. Six musiciens de très bon niveau y participaient : un corniste qui avait amené également son impressionnant cor des alpes, un flûtiste, un saxophoniste et trois pianistes.

Chacun a joué en duo improvisé avec J.F. ZYGEL au piano et a pu bénéficier de ses conseils éclairants : du haut niveau d’improvisation !

10 réflexions et conseils d’un maître de l’improvisation :

  • Ne pas multiplier les idées (sorte de thème), en avoir une ou deux et les développer. Sinon, elles restent en suspend. … »J’ai envie de dire : range ta chambre ! » Une façon pour J.F. ZYGEL de dire que c’était un peu le bazar dans l’improvisation qu’il venait d’entendre !
  • Ordonner les choses.
  • Savoir jouer les thèmes dans « toutes les tonalités« 
  • Ne pas se répéter trop longuement, sinon le discours n’avance pas. « C’est comme si au début d’une conversation on disait : Bonjour, comment ça va ? Bonjour comment ça va? On piétine, on fait du sur-place…
  • Faire transparaître une pulsation. Que l’auditeur la perçoive ainsi que les autres musiciens si l’on joue en groupe.
  • Apprendre à construire les mélodies et les rendre plus riches. Les pianistes ont trop souvent tendance à penser de façon harmonique en improvisant, c’est-à-dire en accords. (Rajout perso : Cela se fait en brodant autour des notes, en y faisant des circonvolutions, en utilisant des retards, des appoggiatures longues…en repoussant les limites mélodiques, en les conduisant vers d’autres tonalités par des modulations…).

Je n’ai pas de vidéo de l’événement  mais, deux mois après la rédaction de cet article j’ai trouvé cette vidéo en accord avec cet article. Je vous la propose ici.

  • Aérer le discours sans s’obliger à jouer tout le temps (en groupe).
  • Ne pas laisser aller sa fantaisie sinon le discours ne se met pas en place. C’est comme la parole : on improvise en parlant. Rien n’est écrit lorsque l’on parle et pourtant ce que l’on dit a du sens. Ce n’est pas « ofihcani ulebtu ocbu ryvci befgya eubo »…
  • Il faut veiller à la conséquence de tout ce qui est dit, joué pour qu’il y ait une logique et pas seulement des effets ou des sentiments(Petit rajout perso : En musique d’ailleurs, on parle de phrases. Et dans chaque phrase, on y voit des sous-parties, un peu comme des propositions. Dans le domaine musical en France et en Belgique, ces « propositions » se nomment antécédent et conséquent !)
  • Savoir utiliser la troisième pédale qui permet de nombreuses possibilités. Elle donne vraiment un effet troisième main et mérite d’être plus connue ! C’est une pédale magique pour l’improvisation ! Elle a beau avoir été inventée au milieu du XIXème siècle (par Steinway à New-York), elle n’est toujours pas utilisée (ou peu) par les pianistes. Pourquoi ? Car l’essentiel du répertoire romantique (qui est finalement le répertoire de prédilection du piano) n’a pas été pensé avec cette pédale ! (Encore petit rajout perso : de nombreux compositeurs travaillaient sur des pianos droits et peu de pianos à queue étaient pourvus de cette pédale).
Piano transformé en sapin de Noël par les techniciens !

Au fond, c’est quoi l’improvisation ?

A la lecture de ces 10 conseils (liste non exhaustive !) qui dévoilent un peu la « cuisine » de l’improvisateur, on se rend bien vite compte que l’improvisation ne s’improvise pas ! Elle a ses codes, ses tournures et s’appuie sur la théorie de la musique savante (la musique dite classique).

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J.F. ZYGEL aime à dire que l’improvisation est l’art de la conséquence : on assume ce que l’on a dit, on assume ce que l’on a joué. L’improvisation se travaille. C’est une mise en forme du discours.

Et Brad Mehldau, jazzman américain né en 1970, le rejoint complètement en disant que « dans l’improvisation, être libre, ce n’est pas évoluer sans contraintes, mais évoluer en se considérant responsable des contraintes qu’on a choisies. »

Pierre Boulez, compositeur français (1925-2016) disait que le compositeur n’inventait rien. Il en est de même pour l’improvisateur : son improvisation se nourrit de tout ce qu’il a entendu dans sa vie : musiques de tous styles, de toutes époques et de tous lieux. Il a développé son art par l’oreille, par l’imitation, comme l’apprentissage de sa langue maternelle, et cela grâce à sa mémoire auditive. De plus, tout cela est étayé, soutenu par un solide acquis théorique et technique !

Le répertoire travaillé ou écouté en amont est donc pour l’improvisateur une source intarissable d’inspiration pour développer sa créativité et partir à l’aventure. « Je pars d’un point et je vais le plus loin possible. » disait John Coltrane, saxophoniste américain (1926-1967).

John Coltrane

D’ailleurs, c’est un jeu amusant que d’essayer de reconnaître les styles qui passent sous les doigts de celui qui improvise. En fait, pour être précis, on ne cherche pas le style quand on écoute une improvisation : il nous arrive dessus, nous éclate au visage, à l’oreille dans des enchaînements harmoniques typiques de tel ou tel compositeur. Là, on entend passer Ravel, et là Brahms ou encore Debussy… Si tous les styles se mélangent dans une même pièce improvisée, ce n’est pas bon signe ! 🙁

On ne reconnaît cela qu’à condition de connaître les œuvres du répertoire. C’est un peu la récompense du connaisseur ! Un peu comme les dessins humoristiques : ils ne font sourires que ceux qui se tiennent au courant de l’actualité ! Ainsi, l’homme cultivé est plus réceptif au monde qui l’entoure, ce n’est pas un scoop !

L’improvisation invite au voyage

C’est avec un jeune flûtiste au son magnifique et à l’oreille affûtée que s’est terminé l’atelier. Étonnant début d’improvisation : J.F. ZYGEL debout à côté du piano, fit tinter les cordes du piano en le traitant comme une guitare.

La flûte qui avait choisi le registre grave semblait sortir ses sons d’un bout de bambou ! Ce n’était plus une flûte traversière et un piano qu’on entendait mais un shakuhachi et un koto (respectivement une flûte japonaise et un instrument à cordes pincées japonais). Saisissant d’invention ce Jean-François ZYGEL !  Voilà un bel exemple d’inspiration venue d’ailleurs !

koto, shakuachi

S’adressant au public à la fin de l’atelier, J.F. ZYGEL dit bien que « ce qui se passe là est un peu artificiel ». Ce n’est pas de la magie  même si c’est trompeur : en effet, ces aptitudes à l’improvisation, ces compétences ont été acquises sur de nombreuses années d’études musicales.

Ce que l’on voit, c’est la partie émergée de l’iceberg : cela demande une grande connaissance des répertoires, une technique instrumentale et théorique presque infaillibles. Le travail est insoupçonnable si l’on n’est pas du métier.

partie émergée de l'iceberg

Développer sa créativité en improvisation est un processus long. Il vaut mieux s’y initier le plus tôt possible sans attendre les niveaux supérieurs. Et c’est d’ailleurs, je pense, la meilleure façon d’aborder les études de  piano !

Le concert du soir

C’était pour moi la première fois que j’écoutais un concert entier d’improvisation classique. Bien différent du récital habituel : plus détendu, plus chaleureux… Evidemment, le charisme et l’expérience de J.F.ZYGEL y sont pour quelque chose !

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Le pianiste introduisait chaque « morceau », chaque pièce musicale par un petit commentaire personnel. Loin d’être une exégèse, une analyse de la pièce, ce commentaire mettait le public en condition pour mieux écouter.

Parfois, on dit « se mettre en voix ». Là j’ai envie de dire « se mettre en oreille(s) ». Oui, c’est cela : J.F ZYGEL sait mettre les publics en oreille(s) en leur contant sa rencontre avec leurs lieux de vie. J’imagine que s’il était sur la côte atlantique, il évoquerait les ports, la pêche, les carrelets et les huîtres !

Il sait s’adapter. C’est une sorte d’inculturation : le public se retrouve ainsi en « pays de connaissance » !(L’inculturation est un terme chrétien, au départ, utilisé en missiologie (en rapport avec les missions) pour désigner la manière d’adapter l’annonce de l’Évangile dans une culture donnée).

Ainsi, à La Clusaz, il évoqua les Aravis, la neige, la tempête, le ski, le Bélier l’emblème de La Clusaz, le Burkina Faso (dont un village est jumelé avec La Clusaz), les clarines (cloches des troupeaux de vaches) en mettant toutes ces images en musique. J’ai trouvé les clarines particulièrement réussies et faciles à reconnaître. J.F. ZYGEL avait-il pris les sons des cloches en dictée ? 🙂

[Cela peut nous inspirer et tant que professeur de piano. Introduire l’improvisation auprès de nos élèves avec des images. Non pas des métaphores mais des images de paysages, d’animaux présentées sur papier ou sur une tablette et demander à l’élève ce que l’image lui inspire musicalement… C’est ce que font les professeurs russes avec les débutants. Cela incite l’enfant à jouer AVEC le piano et à découvrir le potentiel sonore de l’instrument.]

La clarine, un son familier dans nos montagnes.
Les clarines sont soigneusement choisies pour sonner en harmonie dans la « mélodie du troupeau » !

Une autre image me vient à l’esprit : celle de l’écrin. Je vois le commentaire comme un écrin où iraient se blottir les précieuses notes comme des pièces uniques puisque elles ne sont pas vouées à être reproduites …

…Bien que… j’ai reconnu une pièce, en tout cas un ostinato que j’avais déjà entendu sous les doigts de notre improvisateur-né ! Une intro à la main gauche constituée de deux dixièmes mélodiques successives [do-mi], [ré-fa]. Désolée, c’est un peu technique.

Mais finalement, rien n’empêche l’improvisateur de réutiliser des formules qui fonctionnent bien ! Le travail sert à cela. Celles-ci font partie de son vocabulaire et il aurait tort de s’en priver !

Le déchiffrage et l’improvisation, les deux « jambes » du musicien complet

balance
Équilibrer déchiffrage et improvisation.

Voilà je vais m’arrêter là. A la fin de cet après-midi d’improvisation, j’étais ravie et très inspirée par cette expérience. Tout à fait convaincue que l’improvisation devrait faire partie de la formation du musicien. C’est aussi vers cela que les professeurs peuvent emmener leurs élèves.

Personnellement, je pense que nous devons faire marcher nos élèves sur deux jambes : le déchiffrage (appelé aussi lecture à vue) et l‘improvisation. Savoir interpréter une partition sans l’avoir jamais travaillée et savoir jouer sur l’instant une musique cohérente, un discours musical clair.

Cela peut sembler insurmontable, tant pour l’élève que pour l’enseignant qui n’a jamais été formé à l’improvisation. Mais ne regardons pas l’Everest que cela représente. Pas à pas, il faut s’y mettre. Le plus important est de commencer. Il faut se jeter à l’eau et OSER jouer avec le piano, avec la musique. Et avant d’en parler aux élèves, chers professeurs, essayons d’improviser chez nous avec nos moyens et de sentir ce que cela procure. Les progrès se font vite sentir avec une pratique régulière !

En commençant cet article, je pensais faire court mais il y a finalement plein de choses à dire au sujet de l’improvisation ! Si vous êtes encore là à le lire, c’est qu’il vous a peut-être intéressé.

Et vous , pensez-vous un jour intégrer l’improvisation dans votre enseignement traditionnel ? Et comment pensez-vous vous y prendre ? Cela m’intéresse !

Vous pouvez laisser un commentaire ci-dessous.

Merci d’avoir lu cet article !  🙂

Et pour aller plus loin vous pouvez télécharger gratuitement le Guide des premières leçons de piano avec le formulaire en bas de page.

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