Professeur de piano, celui qui compte vraiment
Hommage à mon professeur de piano
Quand on enseigne le piano, ou quand on est pianiste concertiste, c’est que nous avons été formés de longues années (en général!) par des professeurs qui ont su nous transmettre une technique et nous faire garder l’amour de la musique. Ceux qui mériteraient d’être oubliés sont heureusement assez rares.
Dans nos cursus d’écoles de musique, de conservatoires nationaux, certains professeurs comptent plus que d’autres. Et ce ne sont pas forcément ceux qui nous ont fait débuter. Elisabeth THIBOUT fait partie de ceux-là.
Aujourd’hui, c’est un hommage que j’aimerais rendre à ce professeur qui a tant compté dans ma vie, pas seulement ma vie d’élève pianiste. Pourquoi maintenant ? Car je viens d’apprendre qu’elle a quitté ce monde juste avant ce Noël. J’étais restée en contact avec elle, bien après la fin de mes études et elle connaissait ma famille, mes enfants.
Elisabeth THIBOUT, une vie consacrée au piano et à ses élèves
C’est au conservatoire d’Annecy qu’elle m’avait été présentée comme étant le meilleur professeur de piano de l’institution. Réputation non usurpée ! J’avais un an de cours de piano derrière moi.
Donc, première rencontre intimidante avec ce professeur à la corpulence imposante. Un peu à la Brigitte Engerer ou France Clidat pour rester dans le domaine du piano… et tout aussi chaleureuse et bienveillante.
Elle savait pousser les élèves et pouvait en conduire certains en 5 ans au Conservatoire de Paris (CNSMP) ! Personnellement, elle souhaitait que je « monte » à Paris pour y étudier dès mes 12 ans, comme elle l’avait fait. Pas simple pour mes parents… J’ai donc continué avec elle sans regrets.
Les cours du conservatoire ne duraient pas longtemps, alors elle nous reprenait chez elle une à deux fois par semaine en plus. Elle nous faisait répéter, monter la vitesse au métronome, esquisser des phrasés, ressentir la musique : elle nous apprenait à travailler efficacement. Tout cela gracieusement.
Des souvenirs autour du piano ?
Lorsqu’on rentrait dans la salle de cours, c’était une odeur de cigarette qui nous prenait la gorge ! On en a respiré, de la fumée ! Force de la nature ? Elle a vécu jusqu’à 95 ans ! Heureusement, en France, depuis 1991, il n’est plus permis de fumer dans les lieux publics !
Elle nous accompagnait pour passer des examens à Paris. Nous prenions le train tôt le matin : 6 heures aller, 6 heures retour ! Parfois nous prenions un train de nuit. La joyeuse bande se complétait en quelques arrêts du train. Toute une époque ! Nous étions motivés ! 🙂
Aux grands élèves, Elisabeth THIBOUT demandait d’être ses répétiteurs : ainsi, je me rendais chez les jeunes élèves qui avaient plus de difficultés et je les préparais pour leurs examens du conservatoire. Ainsi, j’ai commencé à enseigner à l’âge de 14 ans ! Je l’ai remplacée quelques fois au conservatoire.
Quand on répétait notre programme de concours ou d’examen et qu’on accrochait un peu, elle ne paniquait pas et ne nous stressait pas. Sa longue expérience lui faisait dire : « mauvaise répétition, bon examen ! ». Et c’était vrai : tout se passait très bien le jour J avec un peu de stress positif !
Une moyenne de 15 à 20 heures de piano par semaine tout en étant scolarisés
Il me vient un souvenir en écrivant cet article, et pas le moindre ! Comment fonctionnait-elle, Elisabeth THIBOUT ? Elle donnait deux programmes à ses élèves. Je ne sais pas si tous étaient soumis au même régime.
J’avais personnellement cours le samedi au conservatoire et le dimanche matin chez elle. Donc un programme pour le samedi et l’autre pour le dimanche ! Simple ! A travailler dans la semaine, bien sûr et cela se faisait. Avec passion !
Programmes consistants : Un Bach, un « moderne » et une étude puis un « romantique », autre chose (?) et des gammes. A l’ancienne. Cela fait beaucoup penser au programme du conservatoire de Paris à la grande époque d’ Yves Nat ou Armand Ferté, professeurs et néanmoins pianistes de talent dont elle avait été l’élève.
En fin d’année, les élèves réunis autour de leur professeur de piano
La fin d’année scolaire était l’occasion de nous rassembler autour de notre professeur. D’ailleurs, l’élève qui venait d’avoir son premier prix était aussi la star du jour.
Chaque année, nous faisions une collecte au mois de mai pour offrir un cadeau conséquent à ce professeur qui ne comptait pas ses heures. Tous le savaient.
J’ai le souvenir d’un beau fauteuil dans lequel « Madame THIBOUT » donnait désormais ses cours chez elle. Une autre année, c’était un tableau d’un peintre demeurant à Annecy, Georges SPRUNGLI, comme les chocolats ! La photo témoigne de ce moment-là.
Je ne présente pas la photo avec tous les élèves, car je n’ai pas demandé leur autorisation.
Je tiens à dire qu’il en manquait un : c’était Eric, mort l’année précédente en montagne à l’âge de 13 ans. A Annecy, les massifs alpins font partie du paysage…
Je me souviens qu’il jouait l’Allegro Barbaro de BARTOK vers 11 ou 12 ans. C’était un élève prometteur, il aurait dû être un pianiste qui compte.
Je souhaitais ne pas l’oublier dans ce voyage dans le temps où je vous ai embarqués.
Nous voici donc à la fin de ce tour d’horizon avec ce professeur de piano si passionné et si compétent qui a formé de si nombreux professionnels. Certains d’entre eux tomberont peut-être sur ce blog. Ce serait vraiment chouette qu’ils laissent un commentaire pour compléter mes souvenirs qui ne sont que quelques pièces d’un grand puzzle !
Je dédie ce blog à Elisabeth THIBOUT, professeur inoubliable.
Et vous qui lisez cet article, avez-vous eu aussi un professeur qui a compté et qui a été déterminant dans votre choix professionnel ? Vous pouvez laisser un commentaire !
Merci d’avoir lu cet article un peu particulier ! 🙂
7 thoughts on “Professeur de piano, celui qui compte vraiment”
Très grand professeur en effet !
Elle nous enfumait, vous avez raison.
Pour ma part, elle m’a dégoûtée du piano avec des morceaux très techniques et pas du tout mélodieux. Du Bartok notamment.
Mais il est vrai qu’elle préparait bien ses élèves… jusqu’aux répétitions chez elle, en complément du Conservatoire.
Je me souviens aussi qu’elle me demandait souvent d’aller chercher un croissant à la Brioche Dorée. Elle me donnait quelque pièces et je faisais l’aller-retour.
Paix à son âme !
Merci pour ce témoignage si touchant.
J’ai suivi les cours de Mme Thibout au conservatoire d’Annecy pendant presque 10ans.
Elle qui voulait que je devienne professionnelle m’a aidé et soutenue tout au long de la suite de mes études au conservatoire de Lyon beaucoup plus exigeant
Je lui doit beaucoup
Merci Marie pour votre témoignage !
Hélas, je me suis intéressée à l’apprentissage du piano bien tardivement dans ma vie, presqu’en fin de carrière. J’ai dû m’investir énormément juste pour développer un minimum d’oreille musicale. J’adore la musique, j’ai toujours aimé danser, mais sans avoir une oreille attentive. Grâce a votre présence en ligne, je découvre constamment des astuces fondamentales qui m’aident à mieux jouer.
Ne sachant pas vraiment ce que je recherchais en apprenant le piano, j’ai peu travaillé avec un professeur. Toutefois vous faites partie des personnes qui maintiennent mon intérêt et je vous en suis très reconnaissante.
Merci Catherine de vous être intéressée à la formation en ligne. Les francophones y sont encore si peu présents.
Andrée du Québec
Et oui, l’ancien monde ne regarde pas trop vers l’avenir ! Merci Andrée pour votre fidélité et l’intérêt que vous portez à la musique et plus particulièrement au piano !
Merci pour votre commentaire qui me touche.
Merci Catherine.
Je souscris à cet éloge d’un magnifique professeur de piano, qui savait partager sa passion, nous rappelait qu’elle était une excellente pianiste (cf. ses concerts à deux pianos avec Paul Crapie) et nous contait nombre d’anecdotes où ses élèves étaient sa fierté.
Quel beau témoignage, Catherine ! Ce professeur a travaillé avec son cœur et a su transmettre sa passion tout en sachant conserver l’exigence attendue pour former de futurs professionnels. C’est sans doute le gage du succès !