Pourquoi adapter les morceaux pour piano des élèves ?
La main, cet outil à apprivoiser et à perfectionner
La main n’est pas « faite » pour jouer du piano ni d’autres instruments de musique ! Cela se saurait ! Elle est toutefois très polyvalente et c’est par l’éducation qu’elle se façonne.
Elle se spécialise peu à peu et se transforme physiquement tout au long des études de piano si l’enseignement est approprié.
Concrètement, à temps égal passé sur l’instrument, la main d’un(e) harpiste ne ressemble plus, après quelques années à une main de violoniste ou à une main de pianiste. La raison est simple : les muscles et les articulations ne travaillent pas du tout de la même manière.
Ainsi, la main de l’élève pianiste deviendra, entre autre, l’outil qui conviendra parfaitement pour jouer du piano. Et je vous propose cette citation d’Aristote (Les parties des animaux) en introduction :
C’est à l’être capable d’acquérir le plus grand nombre de techniques (l’homme vs l’animal ) que la nature a donné de loin l’outil le plus utile, la main.
De plus, il n’existe pas de pianos adaptés à la taille des enfants, contrairement aux autres instruments qui « grandissent » avec le petit musicien. Les petits pianistes ne connaissent donc pas ces changements réguliers d’instruments. Les tailles de violons par exemple varient du 1/16 au 4/4 dit violon entier.
L’enfant débutant, avec ses propres moyens physiques et ses petites mains, doit donc jouer sur le même piano que l’adulte. Et l’énergie qu’il doit fournir pour jouer est d’autant plus grande que sa taille est petite. C’est là que s’impose la nécessité de l’arrangement et de l’adaptation.
Comment adapter les morceaux pour le piano ?
Adapter les morceaux à la main de l’élève qui n’a encore aucune expérience au piano
Personnellement, je n’aime pas faire jouer les débutants avec les pouces. Je les fais commencer avec les doigts les plus longs : les 2, 3 et 4. C’est plus ergonomique. Mais ce n’est pas seulement une histoire de goût. Réflexion et expérience me dictent ce chemin-là.
Jouer avec les pouces dès la première leçon de piano peut très facilement créer des tensions dans les épaules et les poignets. Ce n’est pas la position à privilégier pour les débuts au piano. Voir l’article Ma méthode idéale
Chopin parlait déjà d’ergonomie dans la préparation de sa méthode. Il n’évoquait pas le terme, bien sûr, qui apparut en 1857 dans une publication… polonaise 🙂 huit ans après sa mort.
Pour Chopin, les gammes et les tonalités de Mi Majeur, de Si Majeur, de Sol b Majeur, Ré b Majeur, toutes celles qui demandent les doigts les plus longs sur les touches noires du piano sont les plus faciles pour la main.
« On peut assez admirer le génie qui a présidé à la construction du clavier, si bien en rapport avec la conformation de la main. Y a-t-il quelque chose de plus ingénieux que les touches hautes, destinées aux doigts longs ? » (Chopin)
C’est exactement dans ce même respect ergonomique, que j’évince les pouces des morceaux des débutants.
Plusieurs façons d’adapter des morceaux
- En changeant les doigtés (avec comme but de supprimer les pouces)
- En adaptant des pièces de répertoire d’autres instruments quand je les trouve intéressantes
- En ôtant des notes sans appauvrir l’harmonie
- En réécrivant les thèmes des pièces du « grand répertoire »
4 exemples d’adaptations
Faire jouer sans les pouces, c’est préparer la main à être bien stable. Avec les pouces, c’est la porte ouverte aux crispations, aux tensions et aux positions de mains trop serrées sur le DO du milieu. De plus, les mains ne sont pas naturellement placées quand on a les deux pouces sur le DO médian. Et si l’élève est assis trop bas, c’est le pompon !
Constatant cela, je change les doigtés des partitions depuis plusieurs années. Quand le remplacement n’est pas possible, je change de morceau.
- Dans Le Jongleur, pièce issue d’une méthode Thompson (US), j’ai enlevé les pouces et la pièce sonne exactement comme à l’origine. J’ai choisi cette pièce car elle permet de faire des mouvements amples avec les bras. Cela empêche l’enfant de se crisper. Il faut, à mon avis, éviter les méthodes par positions de 5 doigts pour les débuts au piano. 🙁
- Pour La Marche de Tony trouvée dans une méthode anglaise, j’ai enlevé les pouces et elle se joue donc uniquement avec les 2,3 et 4. J’ai aussi vu cette pièce dans la Méthode « Les Leçons de Piano » de B. QUONIAM. Elle est construite pour être apprise par imitation, dit « by rote » en anglais. Apprendre de by rote se fait déjà depuis très longtemps dans les pays anglo-saxons. Cette Marche date de 1936. En France, c’était déjà et encore la grande époque de la Méthode Rose.
- Dans la valse en ré mineur de Rainer Mohrs, j’ai supprimé encore une fois les pouces, transformant l’accord parfait (à trois sons) en une tierce jouée avec les 2 et 4. J’ai gardé les notes de main gauche telles quelles, et donc, là, il y a un pouce. Mais c’était l’accord de trois sons de main droite que je voulais éviter ici.
Le but était de ne pas faire jouer l’accord avec les trois doigts 1,3,5. Cette adaptation est tout à fait valable pour de jeunes élèves qui ont déjà quelque temps de piano derrière eux.
- Une autre sorte d’adaptation de morceaux pour les élèves, Pop Corn, un exemple de reprise de morceau écrit à l’origine pour flûte et piano. En l’occurrence, c’est un duo écrit par Daniel Hellbach, un professeur de piano d’origine suisse qui a écrit pas mal de pièces très sympas qui font bien progresser les apprentis-pianistes.
Pop Corn, ainsi adaptée, avec des doigtés pensés pour les débutants, est tout à fait jouable par un enfant de première année qui a un trimestre de piano derrière lui. La partie piano de ce duo reste exactement la même. Pas jouée sur la vidéo.
Dans cette partie de flûte, on y trouve des notes piquées (staccato) et des notes liées par deux. On ne va pas plus loin que des liées par deux, car le lié (legato) est déjà un geste hyper-technique au piano qu’il faut delà bien intégrer.
- Pour terminer, un Adagio de Mozart (K356) écrit pour armonica de verre. L’armonica (sans H) a été inventé par Benjamin Franklin en 1761. J’ai donc pris la voix supérieure pour l’élève et j’en ai gardé deux pour la partie du professeur.
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Voilà ces cinq exemples de partitions transformées, rendues plus ergonomiques pour les enfants mais aussi pour tout débutant. J’espère que cela vous inspirera pour faire, vous aussi des arrangements pour vos élèves ! Vous ne verrez peut-être plus les pouces comme avant ! 🙂
Comment percevez-vous l’idée « d’oublier les pouces » un moment ?
Merci d’avoir lu cet article ou/et regardé la vidéo !
Lâchez les commentaires sous cet articles, j’ai besoin de vos réponses ! 🙂
En complément de cette vidéo, vous êtes libre de télécharger gratuitement mon bonus le Guide des Premières Leçons de Piano
1 thoughts on “Pourquoi adapter les morceaux pour piano des élèves ?”
Ton approche de l’enseignement du piano aux petits me parle beaucoup. En effet les pouces ne sont pas évidents à jouer, la main se crispant assez vite!
C’est un vrai challenge que de garder le souplesse dans la main ET les poignets