« La musique au piano, histoires d’écoutes et de touchers » 3/3
« La musique au piano »de Cécile Müller
C’est un livre fort intéressant, écrit par Cécile Müller, que je souhaite vous résumer ici. Cet ouvrage couvre très largement le domaine du piano, de son enseignement et de son apprentissage.
Très complet, il pourra vous être très utile si vous souhaitez donner des cours de piano. Et si vous n’avez pas d’expérience dans l’enseignement, vous y apprendrez beaucoup.
Mais il est destiné aussi à tous ceux qui s’intéressent à ce bel instrument de musique : mélomanes, amateurs, parents. J’ai tellement adhéré au propos que je me suis dit que son résumé (sous forme de trois articles) pourrait bien avoir sa place dans ce blog.
Au fil de ces articles, je me suis permise de rajouter mon petit grain de sel (écrit en italique) et des photos le plus souvent personnelles.
J’ai souhaité faire le résumé de ce livre en trois volets. Celui-ci en est le troisième.
L’auteure, Cécile Müller, est pianiste et enseigne le piano au Conservatoire à Rayonnement Régional de Limoges.
Je parcours ici les chapitres V, VI, VII et VIII.
V. Les mouvements pianistiques
VI. Voyage au cœur de l’interprétation
VII. Les mémoires du musicien
VIII. Le professeur de piano
V. Les mouvements pianistiques
A. Les mouvements de base au clavier
Trois mouvements de base au clavier. Les exercices de base que sont les gammes, les arpèges et les doubles-notes permettent de travailler la technique : les doigts par les gammes (muscles abducteurs et fléchisseurs), les muscles de l’intérieur de la main par les arpèges et entraînent les muscles de soutien métacarpien grâce aux doubles-notes.
Personnellement, je n’ai jamais étudié l’anatomie de la main au conservatoire, les cours étaient inexistants pour les instrumentistes. Dommage ! Il n’y a que les danseurs qui bénéficient de cours de physiologie/anatomie dans leur cursus ! Mais il existe maintenant des formations diplômantes (payantes) qui permettent aux professeurs de musique et professionnels de santé d’étudier la physiologie, la psychologie, les pathologies du musicien et c’est une bonne chose. Pourquoi ne pas sensibiliser les futurs enseignants aux risques physiques dus aux mauvaises postures et pratiques sur l’instrument ? A creuser.
B. Le geste pianistique
Idées phares retenues de ces passionnants paragraphes :
- Le geste naît d’une image sonore intériorisée. A tel son correspond tel geste. Et c’est par la pratique régulière que cette correspondance devient très précise et efficiente.
- Tout geste se met au point dans la lenteur. Ainsi, on donne au cerveau des informations claires et on acquiert les bons réflexes sans gestes parasites et sans crispations.
C. Les actions de bases
Les gestes pianistiques
- l’action verticale du doigt
- le transfert du poids
- les extensions de la main, les doubles-notes, les accords, les gammes et les arpèges
- le mouvement de pivot si présent dans la musique romantique
- les mouvements des bras
Tout cela est minutieusement détaillé et rien que pour ce chapitre, il est intéressant de posséder le livre pour y revenir de temps en temps.
L’auteure fait référence à Heinrich Neuhaus, grand pédagogue Russe (1888-1964) pour redire que « la force au clavier s’obtient non par un poids ajouté mais par la vitesse et la hauteur de la projection sur la touche ». Et les « gestes anguleux ne pourront donner que des sons secs. »
Encore un passage judicieux avec lequel je suis à 150 pour cent d’accord (mais ça, on s’en fiche!) : )
Au cours de l’œuvre, la continuité des mouvements et leur rondeur assurera la continuité de la pensée et du discours musical; cela évitera toute cassure ou tout arrêt dans l’expression musicale.
D. Un travail générateur de sons
Technique, tekhnê [τέχνη] en grec ancien, signifie « art ». Quand on parle de technique, on est donc loin de l’idée d’un apprentissage mécanique. Le geste instrumental fait partie du discours musical : il en est les étais de soutien. Il est aussi comparé à l’éloquence du musicien pour reprendre le terme employé par Dominique Hoppenot, violoniste et pédagogue.
La technique est une sorte d’initiation à la maîtrise de l’expression souhaitée.
« Et plus que dans tout autre domaine, un « maître initiateur » s’avérera nécessaire. Ceux qui s’imaginent que laisser un enfant ou tout novice en la matière en chercher et en découvrir les rouages seul le rendrait plus vite autonome font une grossière erreur pédagogique ! C’est parfaitement méconnaître la pratique de l’expression artistique que de proférer de tels conseils; cela, en fait, ne peut que provoquer des errements longs et difficiles pour des résultats peu concluants… »
Le contrôle par l’oreille est primordial dans le jeu au piano. Elle reçoit tous les exemples sonores produits par le musicien et va les mémoriser dans une sorte de banque de données [geste-son]. Ainsi, le musicien ayant acquis de l’expérience pourra reproduire ces sonorités imprimées dans sa mémoire.
J’ai entendu parler plusieurs fois de cette « banque de données » et je trouve cela très juste. Je pense qu’il en va de tout apprentissage et c’est pour cela que la pratique régulière permet des progrès et de bons résultats.
L’auteure, Cécile Müller évoque des « approches particulières« de la technique pianistique, comme celle de Marie Jaëll (1846-1925) ou de Dorothy Taubmann (1917-2013) toutes deux se préoccupant de la continuité de la pensée musicale, du geste pianistique réfléchi, souple, efficient et ne créant pas de tension. Dans la recherche d’un équilibre postural, d’un accord entre le corps du pianiste et de son instrument.
Dans ces approches innovantes de fin du 19ème siècle et 20ème siècle, la pratique du piano doit toujours se faire avec le contrôle de l’oreille, en toute conscience pour un rendu musical dès le début de l’apprentissage d’un morceau. Ces idées font leur chemin.
L’auteure conclut ce chapitre sur le geste pianistique en mentionnant Carl CZERNY (1791-1857). Celui-ci pensait qu’il était possible de reproduire cent gradations dynamiques différentes (en d’autres termes nuances) entre ce qui n’est pas encore le son et le bruit.
Cela me rappelle Maria Joao PIRES racontant qu’elle avait passé des heures étant encore très jeune à jouer chaque touche du piano familial dans toutes les nuances possibles ! Elle disait avoir développé son toucher de cette façon. Et quel toucher dans Mozart entre autres ! Il me semble que J.S. BACH préconisait aussi cela à ses élèves.
C’est une très bonne méthode qui entraîne l’oreille à écouter… vraiment et qui permet de faire le plein d’expériences sonores, les fameuses qui relient le son au geste et qui constitueront cette banque de données.
VI. Voyage au cœur de l’interprétation
A. Dans l’antre de l’atelier des sons
Ressentir la musique, c’est être touché par elle, transporté par elle. L’accent est mis ici sur le travail, l’entraînement à fournir pour se libérer des contraintes techniques, vaincre les blocages afin de se concentrer sur la musique. Plus on descend en soi musicalement, plus l’oeuvre sera intériorisée et plus le rayonnement musical sera intense. L’auteure assure que cela peut se produire dès le départ, même si l’enfant est jeune.
Au fil de son apprentissage, l’élève diversifie sa palette de touchers grâce à la fréquentation d’œuvres aux styles éclectiques, du baroque à la musique contemporaine : vivacité du jeu, polyphonie, indépendance des doigts, lyrisme… La technique de l’apprenant se déploie parallèlement à l’évolution de l’écriture pianistique. Les œuvres plus anciennes du 18 ème siècle demandent moins de participation du corps que celles de compositeurs plus récents comme Rachmaninov ou Messiaen, par exemple.
Un musicien entend ce qu’il va jouer… Cette compétence primordiale pour l’apprentissage de la musique s’acquière avec de l’entraînement et progressivement. « Entendre » ce qui est écrit sur la partition est essentiel pour intérioriser l’œuvre et bien l’assimiler. Les Américains appellent cette écoute intérieure l’audiation. Cette compétence est également le socle de l’improvisation.
B. Conseils pour un travail efficace
Des conseils qu’il est toujours bon de retrouver.
- Travailler dans la lenteur, voire l’extrême lenteur pour tout « placer » correctement.
- Travailler les automatismes en répétant sans oublier d’être expressif, musical. L’art pianistique ne tombe pas du ciel…on a besoin de « rabâcher ». C’est indispensable.
- Continuer d’entretenir sa mémoire en travaillant toujours de nouveaux répertoires.
- Travailler par types techniques : les traits, les passages cantabile plus chantés, les accords…
- Travailler mains séparées après un déchiffrage en mains ensemble.
- S’enregistrer permet d’entendre ce qui pourrait nous échapper, étant dans l’action.
- Eviter de refaire une note ratée, cela nous amène à « bégayer ». Reprendre le passage en entier (pas tout le morceau !).
- Savoir garder les morceaux appris pour ne pas toujours être en situations d’étude. Prendre du plaisir à jouer des œuvres abouties.
C. Le trac, le piano, les autres et moi
La crainte de mal faire, d’être regardé et écouté s’estompe facilement par des réflexes positifs et rassurants acquis par un travail tranquille.
En effet, quand on sait qu’on a « triché » dans le travail et que tout n’ a pas été fait dans les règles de l’art, jouer en public n’est pas de tout repos. Je dis souvent à mes élèves qu’il faut connaître la pièce à 150 pour cent pour en sortir 80 en public, ce qui sera très bien. Bien que la présence du public génère quelques angoisses, celui-ci permet de nous révéler au mieux de notre forme et de repousser nos limites.
Se confronter à la scène très tôt permet de l’intégrer plus naturellement. Dès lors elle est un lieu familier, un lieu qui épanouit et où l’on se sent bien. En amont, un travail sérieux de grande qualité est requis ainsi qu’une posture équilibrée. Gérer le trac s’apprend : il y a de plus en plus de formations qui prennent cela en charge car ce n’est plus tabou !
Se sentir bien sur scène dépend également de la détente et de la respiration calme, pas trop profonde. Il s’agit de relativiser, de retrouver la simplicité et de se dire que l’on joue pour le plaisir même si c’est pour un concours ou un examen.
VII. Les mémoires du musicien
Ici, l’histoire de la partition nous est contée : le premier système musical daterait du troisième millénaire avant J.C. et viendrait de Chine. En général, nous faisons commencer l’étude de la notation et de la fixation des sons à partir de Pythagore (environ 580 av. J.C.- 494 av. J.C.), le même que le théorème !
L’évolution de la musique au fil des époques
- Un son isolé n’est pas unique, il est composé de résonances, les harmoniques, peu perceptibles à l’oreille. Par exemple quand on joue le DO, on entend un Do mais pas seulement…ses harmoniques sonneront en mouvement ascendant, donc vers les aigus et de plus en plus douces. Elles sont différentes selon les instruments, et c’est cela qui crée la différence de timbre entre les instruments de musique.
- Ce qu’on nomme « consonance » et « dissonance » , grosso modo, ce qui sonne « mal » et ce qui sonne « bien » est tout à fait relatif. Cela est lié à la culture et à l’époque dans laquelle on vit. Ce qui était désagréable à l’oreille devient agréable juste parce que l’oreille s’est habituée.
- Les échelles de sons de la Grèce antique, appelées MODES seront les bases du plain-chant médiéval et seront reprises par des compositeurs contemporains et le jazz.
- La musique européenne développe la polyphonie, le contrepoint (mélodie contre-mélodie par exemple, la musique de J.S. BACH), selon des règles contraignantes.
- L’écriture musicale, peu à peu, installe des règles (d’harmonie), des éléments progressivement admis par l’oreille. Elle s’adapte à l’évolution de la perception.
- L’évolution de l’écriture a l’air de « revenir en arrière », à partir de la fin du 19 ème siècle avec certains compositeurs qui reprennent des modes ecclésiastiques, folkloriques, tziganes… Cela va de Liszt à Messiaen en passant par Fauré, Debussy, Bartok…
- Le système tonal vole aussi en éclat avec ce qu’on appelle la « seconde école de Vienne », j’ai nommé les compositeurs Schönberg, Webern et Berg. Ils n’écrivent pas sur des modes, des gammes organisées en tonalités définies mais sur des « séries ». Leur musique est dite sérielle ou dodécaphonique car elles utilisent les douze tons de la gamme. Le principe : ils définissent un ordre des douze noms de notes à l’avance et garderont toujours cet ordre. Ce sont les paramètres des sons qui changeront : la hauteur (aigu, grave), la durée (long, court), l’intensité (doux ou fort), le timbre (couleur du son suivant l’instrument).
- Viennent ensuite des compositeurs-chercheurs-mathématiciens… comme Xénakis (1922-2001), Pierre Schaeffer (1910-1995) ou Pierre Henry (1927-2017). Pour ce dernier, le bruit devenait de « nouveaux instruments de musique ». Ces nouveaux compositeurs, manipulant ordinateurs et consoles, sont parfois considérés comme des « sculpteurs de sons ». Maintenant, des classes de musique acousmatique (on l’appelle ainsi) existent dans les conservatoires et se sont bien les seules où il n’est pas demandé de solfège au préalable !
Et le pianiste dans tout cela ?
L’auteur de cet ouvrage, Cecile Müller, l’affirme : « cette musique demande une sensibilité musicale différente et l’interprète voit son rôle changer. » L’improvisation est parfois requise dans ces musiques contemporaines.
Au fil des époques et donc des styles, l’interprétation se conçoit différemment. Cela demande au pianiste une adaptation, des réactions nouvelles face à ce qui lui est demandé dans une œuvre comportant de nouveaux codes : c’est un peu comme un employé qui doit remettre ses pratiques en question face à de nouvelles technologies. Sauf que là, le musicien le fait pour un temps défini, celui de la préparation d’un concert. Peut-être a-t-il quelques jours après, un contrat pour un concert de musique romantique qui le transportera 150 ans en arrière ?
Le musicien, comme le comédien, a l’opportunité de passer d’un siècle à l’autre, d’un style à l’autre d’une sensibilité à l’autre…c’est le privilège des métiers de la scène.
B. Les mondes parallèles du musicien
Le pianiste qui joue une œuvre écrite voyage dans plusieurs « mondes parallèles ».
- le monde des résonances, des harmonies et des rythmes, la musique à l’état pur.
- le monde du ressenti physique, où la technique pianistique correspond à la maîtrise des sensations tactiles, des mouvements, des déplacements ou des sauts.
- le monde cérébral : le système nerveux développe la coordination des mouvements complexes et leur contrôle.
Les zones cérébrales stimulées chez un musicien sont beaucoup plus étendues que chez une personne n’ayant jamais fait d’études musicales, de par les nombreuses connexions neuronales engendrées par l’étude et la pratique.
On constate que le corps calleux*, constitué de fibres, est plus épais dans le cerveau du musicien. C’est la zone qui relie et coordonne l’activité des deux hémisphères cérébraux. C’est, d’après les chercheurs, la preuve de connexions plus nombreuses entre les aires motrices chez le musicien, par exemple le fait de décrypter une partition (hémisphère gauche) en la jouant (hémisphère droit).
*Communication entre les deux hémisphères. Le corps calleux joue un rôle central dans le transfert d’information entre les hémisphères gauche et droit du cerveau. Cette communication permet ainsi la coordination des deux hémisphères, l’interprétation de l’information et l’action en conséquence .
C. Les mémoires du pianiste
Mémoire auditive, mémoire visuelle, mémoire du geste devenu réflexe, tout entre en jeu lors d’une prestation. Malgré tout le travail en amont, il s’agira pour le pianiste de jouer en gardant toute la spontanéité première.
Quand on travaille un morceau, on mémorise des sons mais pour que cette mémorisation soit solide il est bon de la faire consciemment : jouer très lentement les traits (groupes de notes se jouant très vite), se « décrire » ce que l’on voit sur la partition, analyser, comparer, prendre conscience d’un geste… tout identifier verbalement aide à fixer tous les éléments.
Les accidents de mémoires sont dus au fait que lorsque le pianiste joue, il se retrouve à « trop réfléchir » sur ce qu’il est en train de faire, il est dans le monde cérébral alors qu’il devrait juste jouer en profitant de ses acquis, en se plaçant dans le monde du ressenti physique. « En basculant d’un cerveau à l’autre, il passe d’une pensée purement musicale et vibratoire à une réflexion intellectuelle. Cela peut bloquer le déroulement musical et créer des ruptures jusqu’au trou de mémoire (c’est moi qui le dis !).
Pour éviter ces ruptures musicales voire ces trous de mémoire, il nous faut « nous entraîner à tout identifier pour retrouver les sensations gestuelles plus facilement si l’élan spontané venait à tomber sous la coupe d’une commande intellectuelle « supérieure » du cerveau qui n’est pas prévu à cet effet ».
Un travail de bénédictin à contre-courant de ce que nous propose la société : consommer, jeter, passer à autre chose très vite. L’idée artistique, elle, mûrit grâce au temps.
L’auteure rajoute des ingrédients importants à une bonne mémorisation : le désir, l’envie et l’intérêt.« L’absence du désir de construire et d’évoluer endort l’esprit critique et nuit à la mémoire. »
Pour conclure ce chapitre sur les mémoires du musicien, je fais place à la prose de Cécile Müller :
Il est important de revaloriser le temps et d’optimiser la perception du moment présent car l’art musical se meut dans ces deux éléments; il s’agit en effet d’un art qui s’écoule dans le temps et se vit dans le moment de sa pratique et de sa perception.
VIII. Le professeur d’enseignement artistique, discipline : PIANO
A. A quoi sert un professeur de piano ?
Maîtrise de l’instrument, dextérité, développement de l’oreille, du sens musical, de l’expression… le professeur aide aussi l’élève à se sentir musculairement bien au clavier. Le professeur apprend à gérer l’émotivité, à proposer le travail adéquat à chaque type de jeu, à chaque style d’écriture.
Je rajouterai que la pratique de la musique est un véritable chemin de développement personnel. Le professeur aide l’élève à partager le plaisir de jouer et parfois, il le »coache » afin qu’il développe un « savoir-être », un code en adéquation avec LES mondes de la musique… Cela commence très tôt, dès qu’il faut préparer une prestation publique. Faites le test : quand un débutant est inscrit par ses parents dans un cours de piano (ou un autre instrument), sait-il ce que veut dire le mot concert, audition ? C’est au professeur de l’expliquer : il faudra sortir des quatre murs de sa chambre ou de son salon pour jouer « devant un public »…
Les peintres exposent leurs toiles, et bien nous, nous jouons en public !
B. Toutes les facettes du professeur de piano
- Le professeur doit donner le plus de conseils possibles pour aider l’élève à travailler seul durant la semaine qui le sépare du cours suivant. L’élève a besoin de repères précis quand il commence le piano.
- Le professeur doit continuer à jouer lui-même en public et de mémoire. C’est ce qu’il demande à ses élèves et s’il ne le fait pas lui-même, cette réalité peut s’émousser, se fausser. Loin de cette réalité exigeante, il se pourrait que le professeur en demande trop ou pas assez.
- Il aide à la mise en chantier de l’œuvre, propose des « diagnostics », donne des exercices pour franchir les obstacles, n’impose pas d’interprétation mais aide les élèves a trouver leur propre sonorité…
- Il établit les échéances, organise des auditions, incite ses élèves à aller aux concerts.
C. Ses soucis
Chaque élève est particulier. Le professeur adaptera sa façon de transmettre à chacun. Bienveillance, fermeté et encouragements en respectant le rythme de chacun. Si les résultats ne sont pas là, des remises en question doivent se faire tant du côté de l’élève que du professeur.
Cette remise en question peut déboucher sur une « réorientation » nous dit l’auteure. En lisant cela je comprends que c’est l’arrêt des cours. Cela doit se passer dans le plus grand respect, après réflexion et il n’y a rien de dramatique dans cette situation. C’est souvent plus douloureux pour les parents quand la pratique du piano était leur désir et non celui de leur enfant. Mais que souhaitons-nous pour lui ? Son épanouissement, il le vivra mieux dans une activité de son choix.
D. Petit résumé pour un bon départ
Ce sont ici les compétences que doit acquérir un élève dans le premier cycle des études (4 premières années) en conservatoire et école de musique qui sont résumées.
- se constituer sa banque de données
- recherche d’une bonne posture
- développer l’oreille, respects des phrasés
- stabilité de la main
- indépendance des mains
- apprendre à jouer souple pour éviter les tendinites : avoir mal n’est pas normal
- connaître les gammes, les arpèges dans les tonalités les plus usitées
- acquérir les bonnes méthodes de travail et savoir organiser la mise en place d’un morceau
- prendre du temps pour improviser, oser inventer. Ce n’est pas simple mais c’est mieux quand on commence jeune !
E. Les objectifs par cycles
En France, les études musicales sont organisées en 3 cycles dans les conservatoires. Chaque cycle dure environ 4 années et a ses objectifs bien définis :
- d’abord la découverte de l’instrument et l’acquisition d’une méthode de travail
- élargissement du répertoire, passage vers l’autonomie, le temps de l’orientation (se diriger vers une spécialisation?)
- Les choix d’orientation sont faits : professionnel ou amateur. Il faudra que l’élève se mette au rythme professionnel et passe 3 à 4 heures devant son piano s’il veut en faire sa profession. Celui qui se destine à pratiquer le piano en amateur (dans le sens de celui qui aime) ne doit pas négliger le travail de la lecture à vue. Etre bon lecteur lui permettra de jouer toutes les partitions à sa portée sans passer trop de temps à la « mise en chantier ». C’est tellement satisfaisant de lire une partition comme on lit un roman ! On l’ouvre, on joue ! 🙂
F. Les compétences que l’élève doit acquérir dans chaque cycle y sont résumées : compétences au clavier, musicales, physiques, musculaires, méthodiques.
G. L’auteure, Cécile Müller, se veut rassurante quant aux mauvaises habitudes prises et aux mauvais réflexes. Avec de « la volonté et une bonne dose de patience et d’acharnement », les choses peuvent se remettre en place. L’enseignement doit aussi se faire avec un maximum de clarté, de pédagogie et cela, dans la bienveillance.
H. Quels répertoires ?
Il est essentiel pour l’élève de découvrir tous les styles d’écriture, de musique. Cela lui permet d’élargir sa palette de touchers et d’expériences. C’est le rôle de l’enseignant que de donner l’occasion à l’élève de s’enrichir de tous les courants musicaux. Je retiens la proposition de faire découvrir les Etude pour piano de Pascal DUSAPIN (né en 1955).
I. Le musicien, cet improvisateur à révéler !
Le tout jeune enfant qui se met devant le piano de la maison est capable d’y passer beaucoup de temps pour en sortir des sons. Il explore seul les possibilités de l’instrument et se forme extraordinairement l’oreille en inventant des mélodie, en jouant les thèmes des pièces que son grand frère est en train de travailler… (c’est du vécu!)
Il fut une époque où l’improvisation était obligatoire quand on apprenait le piano et les compositeurs improvisaient tout le temps au 19ème siècle. Maintenant, en occident, il n’y a que les organistes et les jazzman qui improvisent. Mais il semble que ce manque se comble petit à petit !
Cécile Müller nous propose ici quelques pistes pour mettre les élèves sur le chemin de l’improvisation :
- avec les plus petits, partir d’un morceau qu’ils aiment et en inventer un autre qui lui ressemble.
- reproduire un motif joué par un élève, puis le transformer et ainsi de suite, en groupe.
- sur des enchaînements de petits accords, rechercher des formules mélodiques sur une formule rythmique préétablie.
- transformer des thèmes en passant du majeur au mineur…etc
Je rajoute… l’improvisation sur les touches noires, ou sur les modes dans le style des râgas indiens (mode de ré, de la…) que sur les touches blanches. Ou de style contemporain…Tout est bon pour apprendre à sortir du carcan tonal ultra conditionnant…
Cette capacité de jeu au piano doit se poursuivre pour se développer. Plus on ose improviser, plus on pratique, plus les idées jaillissent. On n’invente pas à proprement parler : on se sert de tout ce que notre oreille a entendu et ce que notre mémoire a capté.
J. Le dernier paragraphe sonne comme un hommage à José Carlosema-Cabanès, artiste, musicienne, interprète et pédagogue.
Ses activités sont éclectiques voire « extrêmes » : l’interprétation de la musique du 18ème siècle sur instruments d’époque (pianoforte) et celle de la musique contemporaine !
L’auteure relate ici une conversation qu’elle a eue avec la pédagogue. Celle-ci parle des subtilités de touchers exigées par les pianos anciens qui n’avaient pas encore connu la technique du double-échappement. Ces instruments fragiles, aux techniques non encore abouties de l’époque, pouvaient réserver des surprises à l’instrumentiste, ce qui fait que l’exécution n’était pas toujours parfaite. Cela rendait le jeu plus naturel et le musicien plus humble.
José Carlosema-Cabanès ajoute que dans les études musicales, on nous apprend à régler un problème technique mais pas vraiment à émouvoir alors que c’est essentiel. Et pour aider des élèves en manque d’inspiration, elle leur transmet des astuces, des images pour rendre leur jeu plus expressif.
Nous revenons encore à l’improvisation, avec les jeux qu’elle permet, pour développer l’expression artistique. C’est dans le format d’un atelier de groupe que ce travail est possible. Les leçons de piano sont trop courtes.
Décrire un paysage en musique, de l’eau qui ruisselle, un orage qui gronde…Utiliser le meuble du piano, les pédales,le cadre en fonte pour en faire un instrument à percussion…autant de pistes pour entraîner les élèves à jouer AVEC la musique, AVEC le piano !
Et cela me ramène naturellement au titre de cet ouvrage « La musique au piano« …ce n’est pas jouer du piano mais jouer avec le piano, c’est la musique AVANT le piano, celui-ci n’étant qu’un instrument, un outil, un accessoire qui permet de transmettre des émotions par la musique !
Voilà, c’est terminé !
Si vous avez tout lu, vous avez droit à toutes mes félicitations !
J’espère que ce long résumé vous aura en tout cas donné envie de vous procurer le livre. Je ne l’ai que résumé et le meilleur n’est pas là !
Je le redis : cet ouvrage de 175 pages peut vraiment être utile à toute personne qui souhaite enseigner le piano. Réservez-lui une place dans votre bibliothèque ! Il mérite d’être connu !
Ce travail de résumé m’a donné l’occasion de vraiment lire ce livre. Je n’y ai trouvé que des réflexions judicieuses et souvent profondes. Il m’a permis d’évaluer ma pratique, de savoir où j’en étais : un exercice à faire continuellement quand on est enseignant.
Si les sujets de ce livre vous ont intéressé et vous ont apporté quelque chose ou si vous avez des critiques constructives à faire au sujet de cet article, vous pouvez le dire en laissant votre commentaire en bas de page !
Merci d’avoir lu cet article ! : )
4 thoughts on “« La musique au piano, histoires d’écoutes et de touchers » 3/3”
Bonjour Catherine,
Ce résumé est très riche, j’ai pris un grand plaisir à le lire et l’envie de découvrir le livre est née grâce à vous. Toutefois, il semble difficile à trouver. Dommage !
Merci pour ces articles particulièrement intéressants.
Bonjour Alexandra,
Effectivement, il est souvent épuisé. Vous pouvez le trouver dans les médiathèques municipales ou de conservatoires. Elles sont accessibles avec un abonnement minime.
Je le vois sur le site de la Flûte de Pan mais ont-ils mis à jour leur stocks ? Peut-être en seconde main, aussi !
https://www.laflutedepan.com/livre/5012178/cecile-muller-la-musique-au-piano-:-histoire-d-ecoutes-et-de-touchers-.html
Merci d’être passée par le blog ! : )
Bonjour,
Merci pour ces 3 articles vraiment intéressants !
Je ne suis qu’un éternel débutant au piano.
La partie sur le cerveau et la mémoire m’ont particulièrement intéressé, ainsi que la posture, l’improvisation.
Cela donne envie de lire ce livre.
Merci.
Bonjour René,
Merci d’avoir pris le temps de lire mes articles. Je vous encourage à acheter ce livre pour y jeter un œil de temps en temps (je n’ai aucune action chez l’éditeur!).
Cette somme de conseils, d’anecdotes peut s’oublier avec le temps. Catherine