Comment se déplacer sur le clavier du piano
Déplacements au piano sans même évoquer les passages de pouces
Cet article est la description améliorée de la longue vidéo que je vous ai concoctée !
Dans cette vidéo, je ne parle ni de gammes ni d’arpèges (ce seront plutôt des accords brisés). Vous verrez que l’on peut se déplacer sans forcément utiliser les pouces ! Je vais donc aborder…
- Les sauts
- Les grandes distances
- Les déplacements symétriques
- Les déplacements par positions
- Le travail harmonique et placement de la main
- Les rapprochements et extensions (comme la marche du crabe)
- La progression en mains alternées
- Les déplacements lents et les gestes associés
- L’anticipation indispensable aux déplacements au clavier
- Et la déconnexion des vitesses entre vitesse de jeu et vitesse de déplacements
Cliquez ici pour voir ma vidéo sur la souplesse du poignet
Cliquez ici pour lire mon article « Apprendre à jouer du piano comme un pianiste »
La technique pianistique a toujours évolué, et savez-vous pourquoi ?
J’évoque dans la vidéo, l’époque baroque. Elle commence au début de XVII ème siècle et nous la faisons terminer à la mort de J.S BACH, en 1750. J’aurais pu continuer en évoquant les autres périodes mais ce n’est pas le sujet de cette vidéo.
La technique pianistique a été poussée par la transformation des instruments à clavier, sortes d’ancêtres du piano. Toujours plus d’étendue, davantage d’octaves (plus de touches) et cela transforme la façon d’en jouer.
Les mécaniques changent également. Elles s’alourdissent, avec de plus gros marteaux, de plus grosses cordes… L’art de toucher le clavier n’est actuellement plus de tout le même qu’aux premières heures.
Non seulement l’instrument se transforme mais l’écriture évolue : on ne joue pas BACH (1685-1750) avec les mêmes moyens (manuels) que SCHUMANN (1810-1846). Les basses et les aiguës sont plus éloignées chez Schumann, les notes tenues sollicitent plus les pouces… Et nous sommes en plein romantisme, période qui s’étend de 1820 jusqu’au début du XX ème siècle. C’est une écriture qui se voulait plus orchestrale. Le piano était un peu l’invention qui « amenait l’orchestre dans les salons ».
Lire mon article-résumé sur l’histoire des instruments, avec des photos que j’ai prises au MIM de Bruxelles
Un clavier de 123 centimètres de long, 88 touches, 10 doigts !
Piano, orgue, clavecin, harpe, instruments à cordes pincées et frottées… Tous ces instruments de musique exigent une technique spécifique de déplacement. Il ne me semble pas que les instruments à vent, cuivres ou bois aient le même problème.
Les déplacements ne se travaillent pas vraiment comme une difficulté particulière au piano. Alors que les exercices sur les changements de positions en aller-retour font partie de l’entraînement quotidien des petits violonistes. L’Etude de GNESYNA que je présente plus bas est un peu construite sur des aller-retour mais elle est moins aride que des exercices pour violon !
Entrons dans le vif du sujet et voyons comment se déplacer au piano avec des pièces plus ou moins connues.
Comme je viens de le dire, le déplacement est une technique essentielle. Ce n’est pas tellement le fait d’enfoncer la touche qui est difficile, c’est le chemin qu’il faut parcourir pour y arriver. Là est tout l’art du déplacement au clavier.
Les pièces que je joue ici font partie du répertoire classique de l’élève commençant mais cette façon de travailler les déplacements est valable sur tous les styles de musiques.
Je présente ici la Musette que l’on trouve dans le petit livre d’Anna Magdalena BACH
Vous allez tout de suite vous rendre compte que le travail du déplacement peut se faire de façon significative déjà dans cette pièce. Nous commençons donc par cette Musette qui n’est pas de J.S Bach. On n’en connaît cependant pas l’auteur.
Pour jouer correctement cette pièce, il est essentiel de penser à anticiper. Comment est-ce qu’on va travailler cette anticipation ? C’est le chemin entre les deux notes qui va falloir bien gérer. Cela peut même se faire en muet. Là, je l’ai volontairement coupée au niveau du tempo, au niveau du texte. Maintenant je vais l’enchaîner.
Il y a aussi une autre technique : on voit qu’il y a un « lié par deux ». Ce « lié par deux » va vraiment nous permettre de nous propulser sur les extérieurs : le ré et le la. Je vais gagner du temps en commençant mon mouvement tout en jouant ces notes. Au ralenti, ça va faire cela (musique).
Ça, c’est le grand secret du déplacement.
Heinrich NEUHAUS dans son livre « L’art du piano » disait qu’il fallait que le pianiste prenne modèle sur le tireur au fusil. Je pourrais dire aussi le tireur à l’arc. C’est un geste qui demande beaucoup de préparation et aussi une préparation psychologique. Il faut que le tir soit précis.
C’est exactement la même chose au piano.
Dès qu’on déchiffre un morceau, même sans connaître les notes, un déchiffrage où l’on tâtonne au niveau des notes, il faut absolument, tout de suite, travailler la VITESSE DE DÉPLACEMENT. Cela peut même être la vitesse de déplacement définitive. C’est absolument nécessaire.
Je le joue lentement (vidéo : les déplacements sont rapides). Et cela, précis ! Le morceau, je le connais mais l’élève pourrait faire ça ou pourrait faire ça sans atterrir précisément.
Il faut qu’il arrive vraiment sur les bonnes touches. Et c’est assez difficile parce que l’œil doit aller sur la droite, l’œil doit aller sur la gauche. Ce n’est pas évident du tout à faire car nous ne sommes pas des caméléons ! Voilà donc le travail de déplacements sur cette musette.
Je vous propose maintenant la Valse lente de Kabalevski, avec des déplacements aux deux mains.
Alors là, on anticipe carrément, c’est-à-dire que, quand je suis sur le troisième temps, il n’y a rien à la main gauche : c’est un silence. Mais je suis déjà placée sur le premier temps de la troisième mesure. Je l’appelle « troisième mesure » car le morceau commence en anacrouse en levée. C’est-à-dire avec une mesure incomplète pour commencer !
Les déplacements sont assez droits mais il n’est pas interdit ensuite de faire une sorte de boucle pour aller chercher notre basse. Par une sorte de PROPULSION.
Il faut dessiner une une sorte d’ovale. J’en parle souvent à mes élèves. Ce ne doit pas être un rond. Je vais vers la basse par le haut et je reviens par le bas. Cela permet un jeu fluide : on ne tombe pas sur les touches. On « ramasse » les notes. Et ça, certains élèves l’ont de façon assez naturelle. Pour d’autres, il va falloir vraiment leur expliquer ce geste qu’ils finiront par faire, même par bien faire, d’ailleurs !
Technique du « crabe » sur le Petit Prélude de BACH en ré mineur
Cette technique de déplacements est composée d’extensions et de rapprochements. On l’avait déjà très tôt dans la technique du clavier à l’époque baroque (dédut XVIIème) et nous la retrouvons toujours présente dans l’époque romantique, classique et même contemporaine.
Je prends le cinquième petit prélude de Bach. Là, comme dans beaucoup de musiques baroques, la mélodie est faite finalement sur des harmonies qui sonnent bien. Ce sont des accords parfaits.
Maintenant, ce dont je voudrais vous parler, c’est ce passage-là (musique). Ce sont des arpèges : rapprochements et extensions se succèdent. Les extensions sont minimes. Ce sont surtout les rapprochements qui vont nous faire progresser du ré au si. Et là, miracle ! Avec 5 doigts, nous passons du ré au si ! 🙂
Dans ce cinquième petit prélude de Bach, on voit qu’il y a un déplacement en mains alternées et cela va nous faire progresser.
C’est encore une autre technique dont je ne parlais pas tout à l’heure : on alterne avec des petits arpèges mais ce sont encore des accords arpégés. Là, une gamme et là un arpège (un accord).
Quand on fait travailler cela à un élève, il est bon de le faire de façon harmonique, en accord. Il percevra mieux les positions et le placement de la main.
A la fin, encore une technique « crabe » mais cette fois en descendant. Je mets mon 4 à la place du 3, je me rapproche. On voit qu’on retrouve encore des harmonies qui sont développées.
Cette technique de déplacement, on peut la travailler avec les différents accords et leurs renversements : par exemple, do-mi-sol, mi-sol-do, sol-do-mi…. Toujours en anticipant. On est déjà dans les quelques secondes qui suivent. Si on pense au déplacement au moment de le faire, c’est beaucoup trop tard puisqu’il faudrait préparer la position de la main. Voilà pour la technique du crabe ! C’est moi qui l’appelle ainsi !
Technique de déplacements par positions dans une Etude de Elena GNYESINA
Cette Etude, nous la retrouvons dans pas mal de méthodes de piano. Elle est manifestement écrite POUR faire découvrir les déplacements aux jeunes élèves. Comme elle est bien connue, je trouvais intéressant de la traiter dans cette vidéo.
Vous voyez que c’est la main qui se déplace en bloc. Une fois qu’elle est passée dans la position suivante, elle est dans une « position de cinq doigts ». Tout cela se passe dans la même position. La position d’après, commence au deuxième temps.
Si l’on ne sait pas comment travailler cela, ça va faire des « trous ». Si l’élève cherche la suite et ne sait pas où aller, cela fait un énorme blanc entre le premier et le deuxième temps. Des gestes parasites vont très vite s’inviter et s’incruster !
Ce qu’il va falloir travailler, c’est effectivement encore ce chemin entre le premier et le deuxième temps, en faisant des aller-retours. Je prévois, je précise mon « tir » pour placer mon pouce directement sur le sol.
Dès le premier cours , dès que je propose à l’élève de jouer ce genre pièce, je lui fais travailler le déplacement. Ensuite il applique cet échantillon dans sa pratique à la maison. Je sais que cela va être un coin problématique, alors il vaut mieux ne pas perdre de temps.
Ce que je veux dire par là, c’est que si l’élève n’a pas la bonne méthode, non seulement il va perdre du temps mais surtout prendre de « mauvais plis » tellement difficiles à faire disparaître ensuite !
A la main gauche aussi, on trouve des déplacements : d’abord une quinte vide do-sol. Ensuite, elle se déplace sur sol-ré puis elle reviendra. sur do-sol. Ce déplacement ne se fait pas en même temps que la main droite. Cette Etude est très bien écrit pour cela.
Par contre, au moment où nous serons avec sol-ré à la main gauche, la main droite va être plus versatile. Elle va bouger. La première note, suite au déplacement, sera toujours avec le 2.
Comment faire travailler cela à l’élève ?
On va lui faire travailler uniquement les 2, l’index. C’est la seule difficulté de ce passage. En travaillant les 2, il a travaillé la position de la main. Maintenant, il faut travailler plus finement avec le cinquième doigt. Deux notes conjointes, l’une avec le 5, l’autre avec le 2. Une fois qu’on a travaillé tous ces chemins d’une note à l’autre, tous ces déplacements, il n’y a plus de problème. Cette pièce est sue.
Elle plaît beaucoup aux élèves. Voilà ce que l’on peut dire sur ce genres de déplacements par positions.
Technique de déplacements par croisements de mains sur une Etude de Germaine COULPIED-SEVESTRE
Etude en triolets de G.Coulpied-Sevestre, dans la partition « Pour mes petits amis », éditions Combre. Je vais vous jouer juste la fin, la reprise. Cette pièce est à travailler toujours en pensant à l’avance. Encore !! Et en jouant par empreintes, par accords. Seule méthode EFFICACE.
On voit très bien que ce sont des accords arpégés. Comment jouer cette Etude ? Lentement mais en se déplaçant vite. Pièce très intéressante pour cela : les écarts sont larges et évidents. L’élève comprend bien quand on parle de déplacements.
Les jeunes élèves au même régime : les habitudes zen se prennent tôt !
On peut faire travailler cette technique de déplacements si essentielle au piano, dès le départ pour les jeunes élèves.
Je vous joue Le jongleur que j’avais arrangé et sorti de la méthode Thomson. Dans ce genre de morceau, on sort vraiment de la position 5 doigts et cela permet d’explorer le croisement, ce que les élèves aiment beaucoup. Voilà un exemple. Il y en a plein. Quand on est professeur, on peut aussi en écrire !
Déplacements lents et amples dans une pièce de Lajos PAPP, La funambule dans la lumière violette
J’aime beaucoup cette pièce parce qu’elle fait travailler le geste lent. C’est un vrai travail de chorégraphie qu’on fait avec l’élève. Il travaille le geste consciemment et c’est un vrai plaisir ensuite de le voir jouer.
Avec la funambule, on a l’idée d’une sorte de danseuse sur un fil et nos bras, allant d’une note à l’autre, vont évoquer le geste de la danseuse. Le halo de lumière violette est traduit par le halo de sons donné par la pédale tenue.
Des gestes lents qui correspondent à l’esprit de cette pièce, qui est une pièce lente. Il n’y a pas de chiffrage, pas de mesures. Peu importe, on compte à la noire.
On est déjà avec cette pièce dans l’esprit de DEBUSSY. Les élèves jeunes qui n’ont pas encore les aptitudes nécessaires pour jouer ce compositeur, peuvent déjà être initiés à la qualité d’un toucher léger, subtile avec un poids minimal. Ce genre de toucher si souvent demandé dans les œuvres dites « impressionnistes »!
Dans cette pièce, le geste va se développer dans l’espace. Il investit l’espace. On en a besoin pour l’expressivité de cette pièce.
Qu’est-ce que l’expressivité ? C’est la façon dont on dit les choses. Quant à l’expression, c’est ce qui est écrit sur la partition, ce qu’on dit.
L’expressivité va être donnée, va être traduite, améliorée, aboutie si l’apprenti pianiste joue correctement les gestes, avec justesse pour que cela corresponde bien au style de la pièce.
Tout est à régler, même la fin de la pédale. Quand arrête-t-on d’appuyer sur la pédale sustain, la pédale de droite ? C’est au moment où les mains reviennent sur les genoux. Cela signe la fin de la pièce. L’expressivité est assez aboutie et l’élève aura du plaisir à jouer cette pièce. Il sera allé au bout du geste artistique.
Le déplacement est donc fait d’un point de départ, d’une courbe et d’un point d’arrivée.
Ce point de départ est une sorte d’impulsion qui est donnée à la main. Elle prend une direction en « arc-en-ciel et va ainsi ensuite atterrir et non pas tomber. Se poser délicatement sur la note d’arrivée pour s’y reposer ou au contraire, en repartir sitôt la note ramassée, cueillie !
Vous aurez compris l’importance de l’anticipation dans le déplacement au piano. Je n’ai pas arrêté d’en parler puisque c’est essentiel dans la pratique du piano. Et tout le monde peut expérimenter l’efficacité d’un travail en toute conscience avec une bonne dose de concentration !
🙂
Cette technique des déplacements est malheureusement peu enseignée. Peut-être trop évidente… et c’est dommage car
- cela rend le jeu bien plus riche et aide l’élève à aller bien au-delà des notes.
- Le geste lui facilite tout les déplacements, l’expressivité, la respiration musicale, l’économie de moyens…
- La mission du professeur est tellement plus intéressante aussi !
1 thoughts on “Comment se déplacer sur le clavier du piano”
Bonjour Catherine quel cours complet sur les déplacements bravo !